La justice a eu la main lourde contre l'ancien ministre de l'énergie et des Mines, Chakib Khelil, en fuite aux états-Unis depuis 2019. En effet, le juge du pôle pénal financier et économique du tribunal de Sidi M'hamed (Alger) a condamné par contumace, hier, à la peine maximale de 20 ans de prison ferme assortie d'une amende de 2 millions de dinars l'ancien homme de confiance et protégé du défunt président Abdelaziz Bouteflika, avec, à la clé, la confirmation du mandat d'arrêt international émis en septembre 2019 contre lui. Il devra aussi, au même titre que les personnes morales impliquées dans cette affaire, verser une compensation de plus de 19 milliards de dinars au Trésor public. Ainsi, le verdict prononcé par le juge a quelque part conforté le réquisitoire prononcé le 1er février, au deuxième jour du procès de l'affaire de la réalisation du complexe gazier d'Arzew (Oran), par le représentant du ministère public qui a réclamé la même peine contre Khelil. Celui-ci s'est vu reprocher d'avoir fait usage de sa grande influence pour octroyer indûment un marché à l'entreprise italienne Saipem, filière du groupe énergétique ENI, au détriment de la firme émiratie Petrofac qui a pourtant présenté une meilleure offre. Les chefs d'inculpation pour lesquels il a été poursuivi sont, entre autres, "dilapidation de deniers publics", "abus de fonctions", "conclusion de marchés publics contraires à la réglementation en vigueur". En 2013 déjà, l'ancien ministre de l'énergie n'a échappé aux foudres de la justice que grâce à l'intervention de l'entourage de l'ancien président de la République qui avait réussi à annuler les poursuites dont il avait fait l'objet et le mandat d'arrêt international émis à son encontre par l'ancien procureur général de la cour d'Alger, Belkacem Zeghmati, devenu par la suite ministre de la Justice (juillet 2019-juillet 2021) avant d'être nommé en septembre 2021 ambassadeur d'Algérie à Prague. Reste à savoir si les autorités algériennes iront jusqu'à formuler une demande d'extradition de l'ancien ministre fugitif auprès du gouvernement américain, d'autant qu'il n'existe pas d'accords extradition entre les deux pays. Les avis sont, à ce titre, partagés. Pour l'avocate et ancienne magistrate Zoubida Assoul, l'éventualité de voir Chakib Khelil extradé des états-Unis est quasi nulle. "Sans ce cadre juridique et cet accord d'extradition, Chakib Khelil ne connaîtra pas la prison", a-t-elle soutenu dans une déclaration faite début février à Liberté. "Il se trouve que l'Algérie et les Etats-Unis n'ont pas signé cette convention bilatérale. L'éventualité, dans ces conditions, de voir un jour l'ancien ministre de l'Energie détenu dans une prison algérienne paraît sans fondement", a-t-elle insisté. En revanche, pour le président de l'Association algérienne de lutte contre la corruption (AACC), Djillali Hadjadj, l'extradition de l'ancien ministre de l'énergie n'est pas du domaine de l'impossible. "La Convention des Nations unies de 2003 contre la corruption, ratifiée par les états-Unis et l'Algérie, facilite grandement ce type de procédure", a-t-il dit, avant de nuancer : "Si l'Algérie demande l'extradition de Chakib Khelil, le gouvernement américain sera tenu de répondre, mais il est très peu probable qu'il accepte : Chakib Khelil étant très protégé par les 'services' américains..." Pour ce qui est de l'ancien P-DG du groupe Sonatrach, Mohamed Meziane, il s'est vu infliger une peine de 5 ans de prison assortie d'une amende d'un million de dinars. Quant à l'ancien vice-président chargé de l'aval, Abdelhafidh Feghouli, il a été condamné à 6 ans de prison ferme et au paiement d'une amende d'un million de dinars. En outre, ces deux anciens hauts dirigeants du groupe Sonatrach doivent s'acquitter, in solidum, de 20 millions de dinars. Trois représentants de l'entreprise Saipem ont été, eux aussi, lourdement condamnés par la justice. Il s'agit de Gilbert Bulato et Massimo Gallipoli Steal, qui ont été condamnés à une peine de 5 ans de prison ferme assortie d'une amende d'un million de dinars chacun et de Ferhat Toufik qui a écopé de 6 ans de prison et d'une amende d'un million de dinars. Quant aux personnes morales, Saipem et les Douanes, impliquées dans ce gros scandale, elles devront s'acquitter d'une amende d'un à 3 milliards de dinars alors que le procureur leur avait réclamé le paiement d'une amende de 9,67 millions de dollars, soit le double des factures gonflées. Le reste des accusés, dont des cadres des douanes et des transitaires, a bénéficié d'un acquittement.