Plus que jamais, la situation semble dégénérer au sein de la Centrale laitière d'Oran (CLO) à l'arrêt depuis 8 mois. En effet, les travailleurs “sans salaire”, qui restaient présents sur leur lieu de travail, n'ont pas hésité, mercredi dernier, à se barricader et à faire barrage de leurs corps pour empêcher la sortie du matériel vendu aux enchères par la direction de l'unité. La vente de ce matériel représentant les “actifs dormants et réformé” avait été vivement dénoncée par les représentants syndicaux car “la réglementation n'avait pas été respectée dans son ensemble”. L'enlèvement dudit matériel devait avoir lieu avec l'appui des forces de police, et les travailleurs s'apprêtaient au pire. Fort heureusement, sur ordre des responsables du groupe Giplait, qui étaient en réunion avec les représentants des travailleurs, le directeur de la CLO a dû annuler la vente aux enchères, alors que des transporteurs se sont présentés à la centrale avec des bons d'enlèvement de matériel. Sur place, nous avons rencontré les travailleurs qui étaient rassemblés dans la cour. Le SG du syndicat ainsi que d'autres représentants tout en étant satisfaits de cette annulation n'en sont pas moins inquiets et mobilisés puisque l'unité est toujours à l'arrêt. Revenant sur ce conflit dans le conflit, notre interlocuteur confirme le non-respect des procédures internes pour la mise aux enchères du matériel : “Tout cela est fait de façon opaque, le président de Giplait a promis l'envoi de deux personnes chargées d'une enquête interne…”. Et de poursuivre : “Nous devions rencontrer à nouveau cette semaine les responsables du groupe mais il emble qu'il y ait eu un changement à la tête du groupe sur décision du chef du gouvernement. Nous allons attendre puisque nous exigeons la reprise de la production de la CLO, qui est toujours à l'arrêt, mais nos travailleurs sont prêts à reprendre ; ils ont maintenu les équipements pour cela.” Les difficultés de la CLO qui remontent à plusieurs années ont imposé une plan social qui prévoyait une réduction de 100 postes sur un total de 227 travailleurs. Un plan accepté par le partenaire social mais qui pose comme préalable la reprise de l'activité avant la mise en œuvre du plan social : “Nous serons intransigeants sur cette question !” déclarent-ils. Tous ceux que nous avons rencontrés sur place, et qui au bout de 8 mois ne baissent toujours pas les bras, ont tenu à dénoncer “la volonté affichée par certains de casser la CLO” et de nous donner leur analyse de la situation : “Cet arrêt de la production a été provoqué lorsque le groupe a décidé que nous ne devions plus utiliser du lait en poudre comme matière première mais du lait cru. Or, ce lait cru nous était livré depuis les wilayas limitrophes sans être transporté dans des camions frigorifiques... Comment voulez-vous que l'on travaille comme cela.” Le SG rejoint par d'autres travailleurs explique encore : “Les mini-laiteries privées qui ont été créées devaient produire uniquement à partir du lait cru. Or, elles n'ont jamais respecté cela. Elles utilisent de la poudre. De même pour le prix du litre du lait, on nous imposait des prix plus élevés.” Quant au DG de la CLO que nous avons pu également rencontrer, s'il reconnaît, à demi-mot, n'avoir pas respecté les procédures quant à la vente aux enchères, il répète en guise de justification avoir fait appel à des experts pour évaluer ces actifs. Aujourd'hui, contraint par la direction du groupe Giplait à annuler la vente, il déclare ne pas vouloir entrer en conflit avec les travailleurs, mais il estime encore que le redémarrage des activités ne pourra se faire que si un plan de mise à niveau est élaboré : “Nous sommes un refuge social ! Il faut en sortir. ll faut une plate-forme de camions frigorifiques, revoir la commercialisation, une remise à niveau des ateliers (le matériel date de 1984). C'est un investissement de 8 milliards ! Si le groupe le veut, il y a une opportunité de redressement.” Mais c'est là en fait que se situe le vrai problème. Quant aux travailleurs qui, durant le mois de ramadan sont “sortis dehors” par deux fois, pour obtenir une avance alors qu'ils ne percevaient plus de salaire, ils affichent leur intention de ne pas se laisser faire. F. BOUMEDIENE