Caractérisé par un faible taux de participation, ce scrutin consacre le retour des partis sur la scène politique locale. à scrutin particulier, des résultats particuliers : les élections partielles tenues, jeudi, en Kabylie, ont révélé des résultats dont le moins que l'on puisse dire sont qu'ils ne dérogent pas, encore une fois, à la réputation qui fait la région : son particularisme. Deux faits majeurs sont, en effet, à relever dans le scrutin de ce jeudi. Il y a d'abord le taux de participation : Evalué à un peu moins de 35%, soit le tiers de l'électorat, ce taux d'apparence “faible” peut être jugé cependant “d'appréciable” au regard des traditions de vote qui ont caractérisé cette région. Jamais en effet, hormis lors de l'élection présidentielle de 1995, le taux de participation n'a atteint en Kabylie les 50 %. à l'image d'Alger, d'ailleurs, où souvent le taux de participation enregistré est, de loin, inférieur à la moyenne nationale. Mais au-delà, il apparaît comme un miracle au regard du climat politique qui a régné pendant quatre longues années dans la région. Entraînée dans la violence, la confusion et le désordre, la Kabylie a, durant ces années, comme tourné le dos à la chose politique. Et il va sans dire — conjugué à la mauvaise gestion de certains élus — qu'au sortir d'un tel climat, l'acte de vote n'est pas de nature à susciter l'enthousiasme des électeurs. Sur un autre registre, il convient de relever, également, que l'état algérien n'a rien fait pour convaincre les citoyens d'aller voter. à titre de comparaison, des moyens sans commune mesure ont été mobilisés pour le référendum sur la charte dite pour la paix et la réconciliation nationale. Quant aux médias publics, ils ont boudé, de façon remarquée et remarquable, ce rendez-vous. Mais qu'à cela ne tienne, le scrutin qui n'a pas été entaché de fraude, celle-ci ayant eu lieu en amont, selon les responsables politiques de certaines formations engagées dans la compétition, a été un exemple de la pratique démocratique. Il faut dire que les mises en garde de l'opposition et le regard scrutateur, loin des feux de la rampe des chancelleries, ont sans doute dissuadé les velléités des habitués de la triche. Ensuite la carte politique : contrairement aux prévisions, elle n'a pas connu de changement fondamental. Elle est restée sensiblement la même confirmant ainsi la suprématie des deux principales forces politiques de la région : le Front des forces socialistes (FFS) de Hocine Aït Ahmed, et le rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) de Saïd Sadi. Mieux encore, le raz-de-marée “programmé”, grâce au soutien discret et efficace de l'administration, de l'alliance présidentielle, n'a pas eu lieu. Si le RND d'Ahmed Ouyahia, dont on ne doute pas des moyens dont il a bénéficié, a touché l'abîme en n'obtenant que des “clopinettes” — à titre d'exemple, aucun siège dans l'assemblée départementale de Béjaïa alors qu'il en a eu seulement 5 à Tizi-Ouzou —, le FLN, en revanche, du reste implanté depuis l'indépendance en Kabylie, a quelque peu renforcé ses positions. Ce renforcement de la position de l'ex-parti unique n'est dû en partie, s'il s'avérait que la fraude eût joué à la marge, qu'au recul du FFS. Le parti de Hocine Aït Ahmed, en effet, même s'il demeure la première force politique de la région, a beaucoup laissé de plumes par rapport aux élections de 1997. Des communes, jusque-là réputées comme étant ses propres fiefs, ont été perdues au profit des autres partis. Un recul que la mauvaise gestion de certains de ses élus pourrait expliquer. Quant au RCD, il a maintenu, voire amélioré sa position alors qu'il ne s'est pas présenté dans toutes les municipalités. Il faut dire qu'il a réussi à “s'adjuger” certaines communes qu'il ne contrôlait pas par le passé, et qu'il en a perdu d'autres uniquement à cause de la loi…électorale. Seule percée, si l'on ose l'expression, en termes de sièges, cela s'entend, celle des indépendants. Constitués pour l'essentiel des transfuges des autres partis, les indépendants ont réussi un score appréciable dont la qualité des candidats (un facteur déterminant dans les élections locales dans un pays où le tribalisme est encore vivant) et l'aversion de certains électeurs pour la chose politique seraient à l'origine de leur succès. Mais, au-delà de l'arithmétique des chiffres, le scrutin de ce jeudi aura eu le mérite de réhabiliter la chose politique dans une région, réputée à juste titre comme le berceau du combat démocratique. Sur un autre plan, il signe la mort, ou fin de mission, c'est selon, des archs, cette structure tribale qui a décrété que les partis étaient… Morts. KARIM KEBIR