Le faible taux de participation et les résultats des législatives de ce jeudi ont résonné comme un cinglant désaveu tout à la fois au pouvoir et à la classe politique avec à leur tête les partis de l'Alliance présidentielle qui ont réalisé des scores nettement en deçà de leurs espérances. Le pouvoir qui a cette fois-ci relativement joué la carte de la transparence et du respect du vote populaire en ne recourant pas, comme il est de tradition, au bourrage des urnes a-t-il été pris à son propre jeu ? Fort de ses certitudes d'avant le scrutin qui tablaient sur une participation massive, conforté par les rapports euphoriques et euphorisants émanant des états-majors des partis de l'Alliance présidentielle, le pouvoir avait abordé ce scrutin avec une totale sérénité. Mal lui en a pris. Qualifiée avec ironie de premier parti politique en Algérie, l'administration aura été, cette fois-ci, relativement discrète. Jusqu'à certaines limites, ordre a été donné, selon toute vraisemblance, pour laisser le jeu politique et électoral s'exprimer plus ou moins librement. Dans cette ouverture démocratique contrôlée, le pouvoir avait balisé le terrain de telle sorte que la configuration politique en place soit reconduite en l'état avec la même majorité présidentielle. Sur ce plan, les résultats du scrutin reflètent globalement la carte politique nationale actuelle, abstraction faite, bien évidemment, des conditions politiques et historiques qui ont aidé les trois partis de l'Alliance présidentielle à se hisser au niveau où ils se trouvent aujourd'hui. Le reste, la répartition des sièges entre les trois partis en question étant affaire d'ancrage populaire et d'alchimie du pouvoir qui distribue les cartes selon la conjoncture et les arbitrages politiques du moment. La preuve ? En bons élèves disciplinés, aucun de ces trois partis n'a émis des réserves sur les résultats du scrutin. Ni le FLN qui a dégringolé avec fracas de son piédestal en perdant la majorité parlementaire ni le RND et le MSP lesquels, bien qu'ayant gagné une dizaine de sièges chacun par rapport aux dernières élections, ont montré à travers le modeste score réalisé durant ce scrutin qu'ils ont atteint les limites objectives de leur croissance. Leur proximité avec le pouvoir ne semble pas leur avoir beaucoup servi pour faire le plein de voix et améliorer le niveau de leur représentation au Parlement. Au vu du faible taux de participation enregistré, il n'est pas tout à fait faux de dire que le vote de ce jeudi aura été d'une manière générale un vote strictement militant. Toutes proportions gardées, ne se sont déplacés aux urnes que les militants et les sympathisants les plus convaincus des différents partis en lice. Excès de confiance Le reste de l'électorat aura été à l'avenant comme le démontre le faible taux de participation. Une frange de cet électorat — près d'un million — a tenu malgré tout à se rendre aux urnes pour exprimer son rejet à la fois du système et de la classe politique en votant à blanc. Le pouvoir qui apparaît comme sonné par le faible taux de participation qui contrarie outrageusement sa vitrine démocratique se cherche une porte de sortie honorable en imputant cette bérézina électorale aux partis politiques qui n'auraient pas su, explique-t-on, se hisser à la hauteur de l'événement en mobilisant un large électorat. Il y a certes une part de vérité dans ce verdict sans appel prononcé contre les partis. Les autorités, qui ont toujours joué à fond la carte des petits partis chaque fois que de besoin, lorsque l'actualité l'exige, pour animer une scène politique en panne sèche, semblent subitement découvrir que ces partis ne représentent qu'eux-mêmes. L'erreur du pouvoir aura été cette fois-ci d'avoir tout misé sur la classe politique pour mobiliser l'électorat. Ceci tout en maintenant l'administration, sinon à l'écart du jeu électoral, du moins dans un état de veille et de vigilance — qu'il ne faut pas confondre avec la neutralité proclamée — pour parer à toute mauvaise surprise de dernière minute qui viendrait contrarier les plans préétablis. Il n'y a pas eu de la part des pouvoirs publics ce travail de mobilisation de l'électorat via la société civile et tous les relais sociaux comme les zaouias, les tribus qui ont fonctionné à merveille lors de la dernière élection présidentielle. La question se pose alors de savoir pourquoi le pouvoir qui a jugé nécessaire et utile de mettre en branle cette machine électorale a fait cette fois-ci le dos rond ? Excès de confiance quant au taux de participation dû à des erreurs d'appréciation inconscientes ou résultant de manipulations de cercles officiels qui chercheraient à solder des comptes entre clans du système en décrédibilisant ce scrutin et partant le président Bouteflika ? Côté officiel, on s'échine à expliquer le faible taux de participation enregistré par la transparence et le respect de la volonté populaire qui ont, dit-on, caractérisé ce scrutin. En s'appuyant sur un tel argumentaire, le pouvoir s'est enfoncé davantage. Car c'est une manière tacite de reconnaître que les chiffres de participation des précédents scrutins ont tous été dopés.