C'est le ministre de la Justice/personname / qui l'a déclaré, hier, au cours d'un séminaire à Alger. Comparativement aux nôtres, les établissements de détention en Europe et en Amérique du Nord ressembleraient presque à des hôtels, tant les conditions de séjour, même si elles tiennent en compte la notion suprême de privation de liberté, offrent aux pensionnaires des commodités et des garanties de mobilité propices à leur rééducation et à leur réinsertion. D'ailleurs, cette notion “d'espace social” au sein de l'univers carcéral a été largement défendue, hier, par les hôtes étrangers de la chancellerie. Le département de la Justice, à travers sa direction générale de l'administration et de la réforme pénitentiaire, est l'initiateur d'un séminaire international sur l'architecture carcérale. Cette rencontre de deux jours, qui se déroule à l'hôtel Mercure, vise, selon ses initiateurs, à imprégner les professionnels locaux, qu'ils soient architectes ou directeurs de prison, des concepts prévalant outre-mer dans la construction des infrastructures carcérales et l'organisation de la vie des détenus en leur sein. Dans le cas de l'Algérie, cette adaptation ne relève pas d'une coquetterie mais d'une véritable urgence, car il y va de la crédibilité et de l'efficience de la réforme entamée par le secteur de la justice. Son premier responsable n'en disconvient pas. Au cours d'une allocution introductive des travaux, il a été le premier à reconnaître que l'état de dégradation des 127 institutions pénitentiaires réparties à travers le pays ne favorise pas l'action de son département, sachant que leur aspect est en contradiction avec les objectifs qui leurs sont assignés. “La forme et l'architecture des établissements actuels ne leur permettent pas de mener à bien leurs missions — de sécurité, de rééducation et de réinsertion sociale — ceci en l'absence des conditions nécessaires à la vie carcérale comme l'hygiène, la couverture médicale, l'éclairage naturel, les équipements de chauffage, l'espace ainsi que les infrastructures devant assurer la formation et l'épanouissement culturel des pensionnaires”, déplore Tayeb Belaïz. Selon lui, “le rôle central de la prison, dans la punition des criminels et des délinquants, doit être accompli dans le respect des principes d'humanité”. Ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Le garde des Sceaux l'admet volontiers. La première anomalie concerne la vétusté du parc immobilier carcéral. 70 établissements (soit plus de 50%) datent de l'ère coloniale. 57 ont été érigés avant le XXe siècle et 17 entre 1900 et 1962. Depuis l'indépendance, l'Etat algérien s'est contenté de construire 51 institutions, dont une majorité de maisons d'arrêt d'une capacité d'accueil très réduite. “Les prisons coloniales (76 au total) ont été élevées avec l'intention de garder les détenus dans leurs murs et de prévenir toute tentative de fuite. Leurs normes de construction sont exclusivement punitives, sans aucun égard aux valeurs d'humanité”, constate le garde des Sceaux. Les infrastructures mises en place après 1962 lui inspirent les mêmes réserves. “Celles-ci ont été élevées en l'absence de toute étude architecturale. Certaines ont été construites sur le modèle des écoles et des centres de formation. Si bien que la plupart ne répondent pas aux normes de sécurité. Sans compter que beaucoup, situées à l'intérieur du tissu urbain, sont mal réparties géographiquement et exiguës. Elles comprennent des salles de détention et des cellules d'isolement mais ne disposent pas d'autres espaces”, observe le représentant de l'Exécutif. Pour régler définitivement le problème de surpeuplement, il est prévu la construction d'une quarantaine d'institutions d'une capacité totale de 36 000 places à l'horizon 2009. 11 prisons sont en cours de réalisation, dont une à Koléa qui conduira à terme à la fermeture de l'établissement de Serkadji. D'après Mokhtar Felioune, directeur général de l'administration pénitentiaire, les prisons les plus vétustes fermeront leurs portes graduellement au fur et à mesure de la livraison des nouvelles. “Aucun délai n'est fixé. Cela dépend de l'avancement du travail des entreprises”, renchérit-il. Outre les exigences de sécurité (prévention des évasions, des mutineries et des incendies), les motivations d'insertion attribuent à l'architecture une grande responsabilité, notamment dans l'aménagement d'espaces séparés pour chaque catégorie de détenus. À ce propos, Christopher Postner, architecte à la direction des installations, au sein du service correctionnel du Canada évoque “la réduction des risques de contamination croisée”. Au pays de l'érable, les prisons se distinguent selon trois niveaux de sécurité. En Italie, la population détenue est également subdivisée en catégories homogènes, suivant des critères différents comme la position juridique des uns et des autres, les niveaux graduels de sécurité, le sexe, l'état de santé (toxicomanes, handicapés)… L'Espagne, quant à elle, privilégie deux normes dans la construction de ses prisons : l'enfermement des détenus à proximité de leurs lieux de résidence pour éviter leur déracinement, et la limitation de la capacité d'accueil des établissements à 350 places. Les modèles ibérique, italien, canadien, français et britannique sont une base de travail d'où seront tirées les recommandations des ateliers installés dans l'après-midi. M. Christian Demonchy, architecte de l'Hexagone, a présenté aux séminaristes l'exemple — mythique — du pénitencier de Mauzac (Haute-Garonne) dont il est le concepteur. Construit dans les années 80, il reste à l'état de prototype. Dans cette prison où les espaces de détention sont des pavillons, les détenus ont les clés de leur cellule ! Samia Lokmane