L'inauguration du premier festival du cinéma français d'Alger s'est faite avec le dernier film de Constantin Costa-Gavras, Le Couperet. Costa Gavras est réalisateur de plusieurs thrillers politiques, dont Missing qui a obtenu la Palme d'or au festival de Cannes en 1981 et qui dénonce l'implication des services secrets américains dans la chute du président chilien, Allende. Le Couperet ne déroge pas à la règle : sur fond de crimes à répétition, un regard froid et critique est posé sur la société française contemporaine. Ce film, sorti en salle en France en mars de cette année, de Constantin Costa-Gravas, n'est pas une histoire, encore une, d'un tueur en série ; ce n'est pas le genre d'un Costa-Gavras. Les crimes commis par Bruno Davert (José Garcia), cadre supérieur licencié par son entreprise après quinze années de bons et loyaux services, ne sont que prétexte à la dénonciation de la situation sociale et économique de la France actuelle : licenciement, délocalisation, chômage, individualisme… et qui fondent le nouvel ordre social. Dans Le Couperet, adapté du roman The Ax de Donald Westlake, Costa Gavras a choisi délibérément la démesure et l'ironie : pour retrouver son emploi perdu, Bruno Davert entreprend d'éliminer un à un ses concurrents. Avec une gaucherie manifeste à ses débuts d'assassin, le chômeur prend de l'assurance au fil des crimes, au même moment qu'il prend en horreur les employeurs, les entretiens d'embauche… et les candidats au poste qu'il pense lui revenir de droit. Il mène alors une sorte de double vie qu'il apprend à dissimuler, avec cynisme à sa femme (Karin Viard), et surtout avec sang-froid aux gendarmes et aux policiers. Tel l'étrange cas du docteur Jekyll et de Monsieur Hyde, Bruno Davert partage son temps entre le paisible pavillon familial et ses complots meurtriers. Ce qui est effroyable dans ce film est qu'il y est dit que pour conserver son confort personnel et celui de sa famille, eh bien, il n'y a qu'à éliminer les autres ! Tous les autres. Un peu caricaturé, certes, mais n'est-ce pas là le reflet de la très vieille loi de la sélection ? Et le criminel sera-t-il pour autant arrêté et jugé ? Costa-Gavras a préféré ne pas le dire, cela aurait peut-être fait moralisateur. “Il n'y a pas de morale dans ce film. Chacun y trouvera la sienne”, a averti le réalisateur dans un entretien. Cependant, il a simplement suggéré qu'un assassin finit toujours par en rencontrer un autre aussi décidé que lui à se battre pour son bien-être. Une sorte de crimes en boucle à laquelle le réalisateur n'a pas souhaité donner une fin… tant que durent l'attrait du confort social et la peur de la chute sans fond. L'individualisme poussé jusqu'au crime. Voilà une sentence qui tombe comme un couperet ! Habitué plutôt aux rôles comiques, José Garcia a donné de la vraisemblance à son personnage, à la fois sobre et risible, de la même manière que Karin Viard lui a donné remarquablement la réplique. SAMIR BENMALEK Le Couperet Un film de Costa-Gavras Avec José Garcia et Karin Viard Salle El Mouggar, rue Asselah-Hocine Mercredi 15 décembre, à 19h