Succédant à Mascate, capitale d'Oman, Alger aura la lourde tâche d'être la capitale culturelle du monde arabe en 2007. Ce choix de l'Unesco obéit plus à une programmation déjà établie qu'à une évaluation favorable de la chose culturelle dans notre pays. Chaque année, une capitale étant désignée pour promouvoir les aspects culturels et la diversité créatrice des villes arabes. Car que pourrions-nous retenir des activités culturelles au tout dernier jour de cette année 2005 ? La réponse à cette interrogation ne saurait être manichéenne, c'est-à-dire ni tout à fait positive ni vraiment négative. Et c'est de cette même institution, l'Unesco, qu'est venue une reconnaissance internationale à l'Algérie, la première du genre. En novembre dernier, le jury international de la 3e proclamation des chefs-d'œuvre du patrimoine oral et immatériel de l'humanité a distingué Ahellil “chef-d'œuvre du patrimoine de l'humanité”. Né dans l'immensité désertique du sud-ouest du pays, Ahellil, genre poétique et musical mêlant le profane et le spirituel, renvoie à l'histoire millénaire et à la diversité culturelle de l'Algérie. Mais cette distinction ne doit pas faire oublier une autre : la Casbah d'Alger bien que classée site patrimoine appartenant à l'humanité, il y a de cela plus de dix années, n'a pas empêché le temps de faire son œuvre destructrice… Qu'importent les nominations ! L'Algérie, qui refuse toujours, par la voix de sa ministre de la culture, d'accorder un statut à ses artistes, tente vaille que vaille de renouer avec le beau et la création. Des festivals ont été institués cette année, comme celui du raï et du chant aïssaoui, de Timgad entre autres, alors que d'autres sont sur le point d'être ressuscités à l'image du festival du théâtre professionnel, prévu en mais 2006. Le salon international du livre d'Alger (Sila), qui a lui aussi sa période de dormance, en est à sa dixième édition et tente de s'inscrire durablement dans le paysage culturel et de l'édition, cette année amputée de quelques jours en raison de la tenue du référendum pour la réconciliation nationale. Cependant, et en dépit du nombre sans cesse croissant du nombre des participants et l'élargissement du comité de préparation aux différents syndicats et associations du livre, les maisons d'édition étrangère, aussi prestigieuses soient-elles, semblent ne considérer le Sila que comme un moyen d'écouler leurs invendus : aucune nouveauté n'est proposée au lecteur. Autre coup porté, cette année, à la diversité des titres, la loi de finances complémentaire qui oblige les importateurs de livres à avoir un capital social de vingt millions de dinars, décision jugée “injuste” par les libraires et les importateurs. L'importation constituant l'offre principale en livres, cette loi risque de dégarnir les rayons des librairies. Quant aux salles de cinéma, quand elles existent, elles reflètent la situation de la production cinématographique : inexistante. Sur ce chapitre, ne risque-t-on pas de voir le scénario de l'année de l'Algérie en France, en 2003, se reproduire ? Lors de cette manifestation, d'énormes moyens financiers furent mobilisés afin que la culture algérienne soit dignement représentée. Une fois terminée, le naturel est revenu au galop… Et pour qu'Alger soit la digne capitale du monde arabe trois milliards de dinars (somme qui pourrait être revue à la hausse) ont été débloqués pour, notamment, produire… 30 films ! C'est dire que le fonctionnement au gré des manifestations internationales a encore de belles années à vivre. Qu'elles soient de circonstances ou pas, ces activités culturelles concernent essentiellement Alger. Pour le reste des villes du pays, 2005 n'a certainement pas été l'année du renouveau. Samir Benmalek