Le défunt éleveur de volailles d'Oran n'est pas mort de grippe aviaire, mais de tuberculose. Le ministère de la Santé et de la Population s'est empressé de démentir les craintes de la presse écrite, le jour même de la parution de l'information. Mourir de tuberculose, même en 2006, étant moins scandaleux que mourir de grippe aviaire, la réputation de notre système santé est sauve. Pourtant, il n'est plus glorieux pour un Etat de perdre des citoyens du fait du bacille de Koch, découvert depuis plus de cent vingt ans, que du virus H5N1, virus grippal mutant qui n'a été isolé sur l'homme qu'en 1997. Mais nos organismes institutionnels immunisés contre la critique ont bonne défense quand il s'agit de se prémunir du tapage médiatique. Qu'importe qu'on meure de maladies médiévales, pourvu qu'on échappe à celle dont on parle. Le directeur du Centre hospitalo-universitaire d'Oran avait, de son côté, déclaré que trois autres membres de la famille du défunt qui souffrent d'une “pneumonie” ont été “placés en isolement et soumis à un traitement… antiviral”, ajoutant que “les victimes de cette grippe étant propriétaires d'un élevage domestique de volailles, la crainte d'une épizootie de grippe aviaire est justifiée”. Plus tard dans la journée d'hier, le conseiller de presse du ministère s'est voulu tranchant : “Il n'y a pas de cas de grippe aviaire en Algérie”, a-t-il précisé à la radio. Ni humain ni animal. Heureusement. L'effort de communication est intense. Le monde s'intéresse trop à la grippe aviaire ; l'OMS, redoutant une possible propagation planétaire du virus, est particulièrement vigilante à l'égard du risque. On ne doit donc pas se faire prendre sur des questions à fort dommage médiatique. Il y a, en effet, quelques soucis à se faire quand on sait les dégâts que la maladie a occasionnés à l'image d'un pays comme la Turquie. Si le cas est presque clos, il reste qu'il n'y a pas lieu de pavoiser sur l'état de la santé. Ce n'est pas plus noble de mourir de maladies médiévales que de maladies contemporaines. La seule différence est que plus personne dans la communication mondialisée ne s'intéresse aux victimes de maladies infectieuses. Les Etats qui s'occupent sérieusement de la santé de leurs populations les ont depuis longtemps éradiquées. On peut donc, dans notre contexte de sous-développement sanitaire, en mourir dans la discrétion. Parce que c'est sans effet médiatique, c'est sans effet sur la gloire du pouvoir politique. D'où la diligence, ou plutôt la précipitation communicationnelle, quand il s'est agi d'une suspicion de grippe aviaire. Même un peu grippé, le dispositif de veille… communicationnelle a été performant ! L'alerte est vite passée et tout est rentré dans l'ordre. Comme notre système de soins a régressé au point de nous renvoyer à un état sanitaire d'un autre âge, nous ne risquons pas de faire l'actualité médicale. Ouf ! M. H.