Hormis la présidence de la République où on a certainement pensé que les qualités de communicant de Bouteflika devaient suffire, il n'est pas une institution qui ne comporte, dans son organigramme, un chargé de la communication. Du gouvernement au petit établissement à caractère public, en passant par les partis politiques et les entreprises. On a même ouvert en grande pompe des cellules d'accueil et d'information, avec cahier de doléances, au sein de tout établissement en contact avec le public. Malgré cela, on continue de fonctionner comme au temps du parti unique. On annonce, on dénie, on accuse et on dément par voie de communiqués, diffusés de façon impersonnelle par les médias. Même lorsqu'on recourt à un médiateur, celui-ci doit se restreindre à ne lire que ce qu'il a sous les yeux, à la virgule près. La porte-parole du gouvernement, femme médiatique par excellence, a dû déchanter. Elle a fini par sombrer dans la lecture de communiqués. A l'auditeur de se faire une idée sur ce qu'on lui a annoncé et au journaliste de se presser le citron pour analyser le contenu du communiqué. En outre, même lorsqu'ils font preuve de bonne volonté, les responsables ne savent pas faire passer leurs messages. Beaucoup d'entre eux avouent franchement leur incompétence dans ce domaine. Mais de la part de décideurs, de telles justifications sont inacceptables. Le communiqué serait, aux yeux de ses auteurs, une sorte d'arrêt de justice indiscutable et cette façon d'appréhender la communication avec le public est significative de la perception qu'on se fait des populations qui sont toujours perçues comme de vulgaires moutons à qui on doit tout faire avaler. Face aux pressions de la population et au processus en cours pour l'établissement d'un Etat de droit, les autorités ont été obligées d'assumer l'écoute des doléances et ressentiments. Sans plus. Les représentations populaires que sont les assemblées élues ou encore le mouvement associatif expriment bien cet état de fait. Elles sont toujours au stade de chambres d'enregistrement quand ce ne sont pas de simples caisses de résonance. Il en va de même pour le pluralisme politique et syndical. La diversité n'est tolérée qu'en qualité de faire-valoir démocratique aux yeux de l'opinion mais surtout en direction de partenaires étrangers qui, même si ce n'est encore qu'en théorie, conditionnent leurs actions au travers de standards démocratiques auxquels, par ailleurs, I'Algérie a souscrit. D'ailleurs, tout ce qui empêche de tourner en rond est vivement combattu. Le pouvoir dans ce domaine excelle par l'utilisation de toute une gamme de mesures : intimidations, infiltrations, pourrissements et brutalités. Les autorités abhorrent toute idée de contre-pouvoir, non pas par paresse, mais tout simplement parce qu'elles sont conscientes que le compte à rebours démarre dès lors qu'on s'attable face à des représentations crédibles. C'est pourquoi ne sont tolérés que les faiseurs d'opinion qui les caressent dans le sens du poil. La répression dont fait l'objet le mouvement citoyen né du Printemps noir de Kabylie obéit totalement à cette logique. Il est violemment combattu après que les tentatives de sa récupération ont échoué. Comme a échoué la propagande qui avait pour objectif de le faire condamner par le reste du pays. Les incessantes “sorties” du ministre de l'Intérieur sur cette question n'avaient pas d'autre dessein que de discréditer le mouvement citoyen. A ce niveau de responsabilité, il faut s'interdire toute lecture sous le prisme d'incompétence. Les accusations du ministre en charge de la sécurité ne sont le fruit ni de bourdes ni de cafouillages. Chaque mot vaut son pesant de sens dans la mesure où il reflète la position des autorités sur cette question. Les administrés ont beau s'organiser, rien n'y fait. On les écoute et basta. Et pour corser le tout, on joue sur les connivences, le chantage et la corruption. Mais jusqu'à quand ? Les administrés administrent quotidiennement la preuve qu'à l'avenir il va falloir compter avec eux, et à l'étranger, on conjugue la bienveillance avec des pressions pour une meilleure lisibilité de la démocratie et des réformes économiques qui vont de pair. D. B.