Il suffit de lire les vives réactions de la presse marocaine pour saisir le profond sentiment de provocation qu'aura suscité la présence, hier et avant-hier, du Chef du gouvernement espagnol à Ceuta et Melilla. Selon le ministre marocain de la Communication et porte-parole du gouvernement, Nabil Benabdellah, la visite de Jose Luis Zapatero “dans le nord marocain est inopportune”. “C'est une visite que nous considérons inopportune, elle ne change rien à la nature du problème”, a également indiqué Nabil Benabdellah. “Rabat revendique la marocanité des deux présides et, les positions étant connues, nous ne pouvons que déplorer cette visite”, a rappelé le ministre marocain. Quant aux répercussions d'une telle visite sur les relations maroco-espagnoles, il dira : “Les relations entre Madrid et Rabat sont au beau fixe et cette visite ne devrait pas altérer pour autant la qualité des relations.” Il n'en demeure pas moins que les partis politiques et la presse marocaine se sont déchaînés contre le Chef du gouvernement espagnol. Un responsable du parti Istiqlal, parti nationaliste membre de la coalition gouvernementale, Mohamed Aouad, avait souligné en début de semaine que la visite de Zapatero “ne doit pas avoir lieu”, parce que “le Maroc n'a pas abandonné ses revendications sur Ceuta et Melilla, seuls territoires colonisés dans le monde avec la Cisjordanie”. Versant dans le même contexte, la publication de ce parti politique, Al Ittihad al ichtiraki, écrivait : “Cette visite met notre ami Zapatero en contradiction avec la politique de bon voisinage, de compréhension et de remise en cause des pressions coloniales antérieures qui avaient régi les relations de son pays avec le nôtre. Alors qu'il participe avec les Marocains à la construction d'un bassin méditerranéen sans conflits, son pays doit reconnaître la souveraineté marocaine sur nos deux villes.” Pour le journal L'Opinion, la visite du Premier ministre espagnol dans les deux enclaves est considérée “comme étant inopportune, provocatrice et attentatoire aux sentiments des Marocains, et qu'elle se produit à contresens de l'évolution que connaissent les relations maroco-espagnoles”. Plus grave encore, le quotidien va jusqu'à affirmer que le déplacement de Zapatero à Ceuta et Melilla “est en lui-même une source de préoccupation majeure” du côté marocain. Le Matin du Sahara s'est demandé, quant à lui, si “le Chef du gouvernement espagnol mesurait ou non la portée de sa décision”. Du côté marocain de la frontière de la ville de Ceuta, une cinquantaine de manifestants ont protesté contre la visite de José Luis Rodriguez Zapatero, la première d'un Chef de gouvernement en tant que tel depuis celle d'Adolfo Suarez en 1980. Pour rappel, Melilla et Ceuta sont rattachées à l'Espagne depuis plusieurs siècles. Ces deux enclaves en terre marocaine sont devenues, par ailleurs, des pôles d'attraction pour les émigrants d'Afrique désireux de gagner l'Europe, à tel point que cet “eldorado” est désormais ceint de barbelés. Par ailleurs, M. Zapatero a réaffirmé que Melilla était bien une ville espagnole, sans mentionner toutefois la querelle de souveraineté avec le Maroc. Il a déclaré par le pass que cette question n'était pas négociable. Ceci étant, le Premier ministre espagnol a été accueilli par des “gracias” (mercis) à son arrivée à l'hôtel de ville. Il a annoncé la construction d'un nouvel hôpital et de deux écoles pour cette cité de 70 000 habitants. Il a aussi visité un camp de rétention pour immigrants illégaux où certains criaient : “Des papiers !” K. ABDELKAMEL