Le parallèle ne serait pas de trop : le 10 mars 1980, Mammeri avait été empêché de tenir une conférence sur la poésie kabyle ancienne ; vingt-six ans plus tard, une autre conférence sur Mammeri est interdite à l'université de Tizi Ouzou qui porte le nom de l'illustre écrivain. Ici le pourquoi du comment. À l'initiative du comité estudiantin du département de langue et culture amazighs de l'université Mouloud-Mammeri de Tizi Ouzou, des activités commémoratives du 17e anniversaire de la mort de l'auteur de La Colline oubliée ont été programmées pour hier et aujourd'hui. Une table ronde devait être animée hier par Mouloud Lounaouci, Saïd Khellil et Saïd Chemakh. L'administration rectorale fait objection arguant que les activités politiques sont interdites à l'intérieur des campus universitaires et que, de plus, l'un des conférenciers, le Dr Lounaouci en l'occurrence, n'est pas lié organiquement à la fac. Les membres du comité ne l'entendent pas, bien entendu, de cette oreille. Ils improvisent un rassemblement de protestation devant la bibliothèque centrale et décident, à la faveur de prises de parole musclées, d'investir de force les lieux de la conférence cadenassés auparavant. Même l'exposition sur la vie et l'œuvre de Mammeri n'a pu être installée. Lors du rassemblement, des intervenants ont dénoncé l'attitude du recteur non sans rappeler l'épisode de l'attribution par la même administration d'un doctorat honoris causa à Ahmed Ben Bella. C'était lors de la semaine commémorative du 25e anniversaire du Printemps berbère. Les étudiants en colère ont forcé la porte de l'auditorium pour imposer la tenue de la conférence. À peine MM. Chemakh et Khellil ont-ils rejoint la tribune que la nouvelle d'un suicide d'un étudiant est tombée tel un couperet. Silence religieux dans la salle. L'intervention des deux conférenciers sur “la revendication identitaire à travers l'œuvre de Mammeri et son apport à la question berbère” a été annulée illico presto. L'on se précipite sur le lieu du drame devant le rectorat. La victime, un étudiant en droit, s'est jeté du 6e étage de la tour du rectorat. YAHIA ARKAT