Le juriste a assuré que le chef du GSPC sera libéré s'il n'est pas accusé de viols ou de massacres collectifs. “Si les chefs d'inculpation, dont il est accusé, ne sont pas touchés par les mesures d'exception, El-Para sera libéré”. La déclaration de Me Farouk Ksentini, hier au Forum d'El Moudjahid, s'apparente davantage à une information avérée quant à la relaxe imminente du chef du GSPC (Groupe salafiste pour la prédication et le combat), extradé vers l'Algérie du Tchad le 24 octobre 2004. En vertu des dispositions des ordonnances portant application de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale, seuls les terroristes s'étant rendus coupables de massacres collectifs ou de viols, ne sont pas bénéficiaires de l'extinction des peines ou de la grâce. De toute vraisemblance, Amari Saïfi, plus connu sous le pseudonyme de Abderrezak El-Para, n'entre pas dans cette catégorie puisqu'il est poursuivi par la justice algérienne, pour constitution d'un groupe terroriste, distribution de documents subversifs, racket et attentats à l'explosif. Il est vivement recherché, par contre, par la justice allemande pour son implication directe dans le rapt d'une quinzaine de touristes européens dont 9 Allemands. “L'Algérie n'extrade pas ses nationaux. Si El-Para est libéré, il ne sera pas remis à la justice allemande”, a indiqué le président de la Commission nationale consultative de promotion et protection des droits de l'Homme. “Cela dit, l'Etat allemand a payé la rançon. Il serait malvenu qu'il conteste, aujourd'hui, ce qu'il a fait”, a-t-il ajouté, en faisant allusion à la capitulation des autorités allemandes face aux exigences du GSPC, contre l'avis du gouvernement algérien. À entendre Me Ksentini, Abderrezak El-Para jouira pleinement des largesses de la Charte pour la réconciliation nationale, mais aussi de la protection de l'Etat contre les poursuites judiciaires dont il fait l'objet en Europe. D'ailleurs, tout au long de sa conférence, le juriste n'a eu de cesse de défendre la démarche réconciliatrice du président de la République et les droits qu'elle accorde aux terroristes. Il a indiqué que les chefs des groupes terroristes, réfugiés à l'étranger, sont complètement dédouanés de leurs actes. Ils ont, en conséquence, la possibilité de retourner au pays sans crainte. Il a certifié que ceux qui ont quitté, depuis quelques jours seulement, leurs cellules dans la prison de Serkadji, Ali Benhadj et Abdelhak Layada en l'occurrence (membres fondateurs du FIS dissous) n'ont plus le droit à l'exercice politique. “Il s'agit de savoir si une déclaration publique est assimilée à un acte politique ou pas”, s'est-il néanmoins interrogé, en rappelant que la Constitution garantit la liberté d'expression. En évoquant le risque d'une recrudescence notoire du banditisme et de la grande criminalité sous le couvert de terrorisme pendant les six mois qu'accorde la loi aux activistes pour déposer les armes, le conférencier a souligné que “dans toute entreprise, le risque zéro n'existe pas. Notre police est efficace et bien informée. Elle saura faire face à cette menace”. Tout en affirmant respecter leur position, Me Ksentini reproche aux opposants à la réconciliation nationale de demeurer figés dans les rancœurs. “Ils invoquent les milliers de morts. C'est juste. Moi je constate un fait : la concorde civile et la Charte pour la réconciliation nationale épargnent beaucoup de vies”, a soutenu l'invité du Forum d'El Moudjahid. “La réconciliation nationale a certes un prix. L'Etat a renoncé aux poursuites judiciaires contre les terroristes”, a-t-il poursuivi. Il a affirmé comprendre la réaction des familles des victimes de la violence intégriste, qui organisent, chaque dimanche, un sit-in devant le Palais du gouvernement. “Leurs revendications sont légitimes. Mais il faut qu'elles les demandent dans le cadre d'un dialogue. Je suis contre les manifestations de rue”. C'est dans le même esprit qu'il exhorte presque les familles des disparus à tourner la page. “L'Etat a reconnu sa responsabilité civile. Nous ne pouvons pas aller plus loin. Nous avons renoncé à la vérité judiciaire au profit de la vérité morale”. Interpellé sur la nécessité de dépénaliser le délit de presse, Me Ksentini a déclaré, sans détours, qu'il n'adhérait pas du tout à cette revendication, au motif que la liberté d'expression ne s'accommode pas de l'outrage et de la diffamation. Afin de mettre un petit bémol à sa déclaration, qui n'était pas pour plaire aux nombreux journalistes venus couvrir sa conférence-débat, le juriste a appelé à la suppression des peines d'emprisonnement pour les journalistes. “Il est aberrant d'envoyer un journaliste en prison pour ses écrits, même s'il s'est trompé ou diffamé”. À son regard, une forte amende suffit largement pour dissuader les gens de la presse à tout manquement aux règles déontologiques. À une question relative au maintien de la femme dans un statut de mineur à vie alors que la loi fondamentale institue l'égalité entre tous les citoyens, le président de la CNCPPDH a répondu que notre société ploie sous des résistances très solides à l'évolution de la condition féminine. “Il faut convaincre les Algériens que l'Islam n'est pas une religion rétrograde”, a-t-il recommandé avant de révéler que sa commission œuvre à inciter l'Etat à lever ses réserves sur les conventions internationales inhérentes à l'abolition de toutes les discriminations à l'égard des femmes. Souhila H.