Jeudi dernier, dans l'après-midi, Adlène Layada, fils aîné de l'ex-chef du GIA, s'expliquait face aux journalistes devant la prison de Serkadji où est détenu son père depuis 13 ans. Infirmant les rumeurs persistantes sur sa libération en application de l'ordonnance portant mise en œuvre de la Charte sur la paix et la réconciliation nationale, il réclame néanmoins qu'il soit mis fin à sa détention, compte tenu de la dégradation de son état de santé. “Maître Farouk Ksentini — président de la Commission nationale consultative pour la protection et la promotion des droits de l'Homme (CNCPPDH) — m'a assuré cela”, soutenait-il hier au cours d'une communication téléphonique. Occupant l'une des cellules du quartier des condamnés à mort de Serkadji, Abdelhak Layada souffrirait d'un mal au dos qui nécessite son transfert à l'hôpital pour des examens. “Le médecin en a fait la demande à la direction de la prison, mais personne ne veut prendre une telle responsabilité”, a révélé son fils. L'ancien tôlier de Baraki, connu pour être l'un des fondateurs du GIA, s'est illustré il y a quelques mois par une missive adressée au président Bouteflika dans laquelle il s'est exprimé globalement en faveur de la charte pour la paix. Toutefois, selon lui, la mansuétude de l'Etat ne doit pas être sélective mais cibler l'ensemble des artisans de la décennie noire, y compris lui. Par ses zones d'ombre et ses silences, l'ordonnance de Bouteflika, dans ses chapitres relatifs à la grâce et à l'extinction des poursuites contre les terroristes, approuve sa suggestion. Dans le cas spécifique de Layada, rien dans la loi n'empêche sa sortie de prison. Certes, il était chef terroriste, mais les motifs pour lesquels il a été mis en prison ne figurent pas parmi les trois restrictions à son élargissement. Les massacres collectifs, les viols et les attentats à la bombe dans les lieux publics ont été l'œuvre de ses successeurs à la tête de l'organisation armée. “Il est éligible à la grâce”, confirme Maître Hocine Zehouane, président de la Ligue algérienne de défense des droits de l'Homme (Laddh). À son avis, la charte, en réalité, ne fait aucune distinction entre les chefs terroristes et leurs éléments. Les dispositions de l'ordonnance portant grâce et extinction de l'action publique infligent un traitement identique aux terroristes, peu importe qu'ils soient les instigateurs, les auteurs ou les complices de crimes. “Pour le juge, il n'y a que l'acte d'accusation qui compte”, fait remarquer l'avocat. L'identité du coupable ou son grade ne l'intéresse guère. Ayant été le commanditaire de plusieurs attentats ciblés, Layada peut néanmoins quitter sa cellule. Les “émirs” du GSPC ont aussi cette opportunité. Car, à la différence du GIA, l'organisation de Hassan Hattab dirige sa guerre quasi exclusivement contre l'armée et les différents services de sécurité. Pour ne pas avoir commandité et pris part à des tueries d'envergure, Hattab et ses acolytes sont touchés par l'exonération des poursuites, en totale conformité avec la loi. Pis, si un jour Hattab ou Layada faisaient leur mea-culpa, ils seraient autorisés à revenir sur la scène politique sous une autre bannière que celle de l'islamisme radical. L'article 26, d'apparence très contraignant, les y autorise. Se distinguant par une rigueur feinte, l'ordonnance est indulgente à bien des égards. Le but étant d'en finir avec “la tragédie nationale”, elle fait tomber toutes les barrières. Ainsi, elle trace une limite très élastique et pas du tout ésotérique entre les auteurs des massacres, des viols et des attentats à la bombe et les autres qui n'en sont pas coupables. “Les auteurs de la charte se sont réservés toute latitude de décider discrétionnairement. Ils ont mis des réserves très floues”, observe-t-il. Selon lui, les restrictions qui ont été apportées sont de pure forme et servent uniquement à “faire taire les protestataires”. “Si ça continue, tout le monde sera élargi”, constate-t-il. Dans le cas des redditions, il est très probable, en effet, que tous les repentis bénéficient d'impunité. Les enquêtes policières, de même que leurs déclarations sur l'honneur, n'étant qu'une formalité. Samia Lokmane