L'Administration Bush a sollicité la médiation du chef de l'état afin d'intercéder auprès du guide de la Révolution libyenne, qu'il doit rencontrer lors du Sommet de la Ligue arabe qui se tient à Khartoum. Si depuis quelques mois, le climat s'est réchauffé entre Tripoli et Washington, avec l'ouverture en juin 2004 d'un bureau de liaison américain dans la capitale libyenne, l'Administration républicaine compte sur la “sagesse” et la “diplomatie” de Abdelaziz Bouteflika pour convaincre le dirigeant libyen de l'opportunité d'une réouverture de la représentation diplomatique américaine dans les plus brefs délais. Celle-ci signerait en grande partie la fin d'une ère tourmentée dans les relations américano-libyennes. “C'est toujours plus sérieux quand c'est Bouteflika qui propose. Sa réputation de bon médiateur n'est plus à démontrer. Cela pourrait se faire dans les coulisses de Khartoum ou du moins une ébauche”, précisent des sources diplomatiques qui avancent comme argument irréfutable les bons offices algériens sur des dossiers aussi épineux que les accords de paix entre l'Ethiopie et l'Erythrée. D'autant que sur cette question, les Américains tablent en premier lieu sur les “bons” rapports “personnels et diplomatiques” qu'entretiennent les deux dirigeants maghrébins. Abdelaziz Bouteflika serait à même de “booster” une quasi-normalisation entre les deux pays. Il reste, toutefois, une inconnue majeure à la médiation algérienne. Quelle serait dans ce cadre la contrepartie demandée par Mouamar El-Kadhafi à Abdelaziz Bouteflika ? Le dirigeant libyen est connu pour ne jamais rien céder sans contrepartie. Malmené au plan interne, le guide libyen considère qu'il est allé trop loin et trop vite sur cette question sans pratiquement rien gagner en retour. Un nouveau pas vers l'Ouest devrait s'accompagner, pour nombre d'observateurs, par deux exigences. Celles de l'achèvement de la construction de l'Union du Maghreb arabe et d'une implication de la Libye dans le dossier du Sahara occidental. La tournée maghrébine de l'émissaire spécial, et néanmoins fils, du guide de la Révolution, Ahmed Kadhaf Al-Dam, qui a rencontré Abdelaziz Bouteflika, à Alger, et Mohammed VI à Al-Ayoun est étroitement liée à ces deux dossiers. L'enjeu étant pour Al-Kadhafi d'être un médiateur entre Alger et Rabat à la fois pour l'UMA et le Sahara Occidental. Toutefois, si l'Algérie par la voix de son premier représentant a toujours appuyé la construction d'un Grand Maghreb, elle s'est toujours refusée à une intermédiation de quelque nature qu'elle soit avec son voisin marocain. D'autant qu'Alger ne considère pas le Sahara Occidental comme étant un problème bilatéral entre elle et le Maroc. Ce dossier relève pour les autorités algériennes des instances onusiennes. “Tout le monde espérait un mini-sommet Bouteflika-Mohammed VI. Cela aurait permis de désamorcer la tension”, précisent des sources diplomatiques. Si les capitales occidentales, américaines en premier, espéraient un réchauffement entre Alger et Rabat, lors du Sommet de Khartoum, avec une éventuelle rencontre Bouteflika-Mohammed VI dans les coulisses, la défection du roi marocain est considérée comme un écueil supplémentaire. Malgré ces divergences de points de vue strictement maghrébines, Abdelaziz Bouteflika est considéré comme étant une garantie dans la médiation tant il jouit de la confiance du dirigeant libyen, mais également de l'Administration Bush. Samar Smati