Avec la complicité de sa comédienne fétiche, Sonia, Nadjet vient d'écrire “Hatta l'tèm”, sa dernière pièce à l'affiche depuis une semaine. Cette œuvre se distingue par la limpidité de la langue où chaque spectateur pourrait d'identifier dans l'un des personnages, tout droit sortis de notre vie quotidienne. Liberté : Dans votre dernière pièce Hatta l'tèm, vous avez choisi un cabinet de consultation psychanalyste pour faire évoluer vos personnages. Serions-nous malades à ce point ? Nadjet Taïbouni : Ce n'est pas ce que j'ai voulu dire. Je pense seulement que la communication nous fait affreusement défaut. Cette pièce, je l'ai conçue comme un miroir qui reflète une image, sans aucun préjugé et, surtout, sans condamnation. Chaque spectateur peut s'identifier à travers les personnages. Je retiendrai cette réaction d'un spectateur qui m'a dit à la fin d'une représentation : “Si vous n'étiez pas une femme, j'aurais juré que vous passez votre temps dans les cafés !” Je trouve cette appréciation intéressante à plus d'un titre. Pourquoi ? Simplement parce qu'il est vrai que je fréquente les cafés qui sont les lieux par excellence pour l'observation des gens. Et parce que pour cet individu, comme je suis une femme, je ne peux m'attabler dans un café. Et c'est cela qui m'intéresse, observer les réactions des gens. Votre écriture semble être différente de ce que l'on a l'habitude de voir… J'ai opté pour la communication. Chaque spectateur doit comprendre le spectacle. J'écris à ma manière, loin de toute philosophie. Je puise dans notre patrimoine, un point c'est tout. L'un des personnages de votre dernier spectacle, une femme, est en tchador noir. Est-ce un clin d'œil à l'actualité marquée ces derniers jours par l'application de la charte pour la réconciliation nationale ? Non ! Par l'intermédiaire de ce personnage, j'ai voulu dire que c'est la femme qui bloque l'émancipation de la femme. Chez nous, la transmission mère-fille des valeurs est prépondérante et la fille est toujours diminuée par rapport au garçon. Et c'est la mère qui transmet cela à sa fille ! Par ailleurs, je suis pour la paix, mais il ne faut pas oublier. Sinon, on retombera dans la violence. Les pays avancent quand ils avancent avec leur histoire. Sonia semble être votre comédienne fétiche… Sonia est une grande comédienne dont j'admire le combat. Le plus important est que nous soyons sur la même longueur d'ondes. Elle a une rare générosité culturelle, elle m'oriente dans mon travail et me fait confiance. C'est une vraie comédienne professionnelle. Avec quels moyens avez-vous monté votre dernière pièce ? Cette pièce a été montée sans aucun apport, sauf une petite aide de l'Office des droits d'auteur. J'attends toujours l'apport du fonds d'aide à la création du ministère de la Culture. Ce qui me permettra de payer le metteur en scène, la comédienne, les techniciens qui, jusqu'à présent, n'ont pas été régularisés. “Hetta l'tèm” à l'affiche Sa dernière pièce Hetta l'tem, à l'affiche cette semaine, se veut une fenêtre ouverte sur la société algérienne d'aujourd'hui. Six personnages qui pourraient paraître dissemblables les uns des autres. Mais à première vue seulement. Hetta l'tem est ce néologisme, créé par la jeunesse, comme pour signifier qu'il n'y a aucune limite à l'introspection, à l'autodérision. Cependant, au-delà des thèmes abordés, où les préoccupations humaines sont au cœur du drame, l'œuvre de Nadjet Taïbouni se distingue par la limpidité de la langue qu'elle utilise, celle que nous parlons au quotidien. Et c'est justement cet écueil, contre lequel se heurtent bien des dramaturges algériens qui ont souvent recours à un langage hybride, que Nadjet Taïbouni a su dépasser. Par sa simple sincérité d'être. Elle a déjà écrit Hadria oue El Houas, Nuit de divorce et Bla Zaâf. Samir Benmalek