Située sur une zone tampon, relais entre les quatre coins du pays, Tiaret, connue jadis pour son environnement enchanteur, notamment ses célèbres fermes, son plateau céréalier et sa nature à profusion de couleurs et de parfums, qui inspirait plus d'un artiste, souffre aujourd'hui de l'anarchie urbanistique. Une réalité amère qui fait de la population un témoin lucide et critique, vivant dans l'attente et l'espoir de pouvoir un jour respirer. Cependant, bien que disposés à coopérer afin d'atténuer l'hémorragie en s'organisant autour d'une pléiade de comités de quartier, les citoyens n'arrivent pas à concrétiser ce vœu contrarié par un silence complice de ceux qui sont appelés à rétablir l'ordre. Un constat qui ne cesse de soulever des vagues quant à cette pagaille “trabendiste” qui a pris en otages les places publiques et, à plus forte échelle, les principales artères. Ainsi, au niveau de la place du 17-Octobre, connue sous le nom de la place Rouge, les trottoirs sont perpétuellement occupés par des commerces en tous genres : appareils électroménagers, effets vestimentaires, chaussures, cassettes…, et la voie publique par les vendeurs (et receleurs) de téléphones portables. À quelques enjambées en face, le trottoir longeant la BNA, dès qu'un passant met le pied à terre, un groupe de “vendeurs” vient l'accoster pour lui proposer l'euro. Un paysage somme toute qui s'illustre par une affluence de gens de tout âge et toute condition sociale brouillant les cartes et s'avérant plus qu'un grouillement de fourmilière dérangée…, un frôlement perpétuel de misères. Un peu plus loin, en empruntant la rue menant au bas du centre-ville, c'est la même vision et ce, jusqu'à la cité des 40-Logements. Sur cet itinéraire, une diversité de commerces informels se confond avec une armada de “barbus” vous proposant des produits, des dépliants et des livres “made in Arabie Saoudite”. Sur le chemin, nul ne pourrait tourner le dos à la désolation, notamment au niveau des ruelles jouxtant la clinique d'hémodialyse où fleurissent quotidiennement des étalages de tissus et lingeries féminines. Toutefois, les femmes sont les plus nombreuses à côtoyer cet espace où même la façade d'une école est squattée par cette panoplie de sous-vêtements démesurément accrochés. Ainsi, animés par le refus obstiné de l'anarchie et de la désolation, les habitants ne savent plus à quel saint se vouer et gardent les attitudes de statues en attendant des moments et un environnement meilleurs. R. SALEM