La plate-forme de revendications, dont “Liberté” détient une copie, souligne la “gravité de la situation qui prévaut” au sein de cet établissement bancaire. C'est à l'issue de la réunion du Conseil national, élargi aux secrétaires généraux des sections syndicales des 48 wilayas de l'entreprise, présidée par le secrétaire général M. Ali El-Ghoul, et en présence de M. Zouaoui, secrétaire général de la Fédération des finances UGTA, que la décision de recourir à un mouvement de grève d'une journée, le 30 mai prochain, au niveau de l'ensemble des structures de la Badr (Banque de l'agriculture et du développement rural) a été prise. Comme nous l'a confirmé M. Zouaoui au sortir de cette réunion d'hier à l'hôtel Club, à Azur-Plage, les revendications affichées ne relèvent plus du caractère salarial ou socioprofessionnel, “c'est en fait la gravité de la situation qui prévaut au sein de cette banque qui nous pousse à passer à l'action pour mettre fin au climat malsain qui y règne et qui déstabilise toute la Badr. Le sort et le devenir de cette banque, avec ses 7 000 travailleurs, doivent être clarifiés”, lance notre interlocuteur. Dans la plate-forme de revendications adressée aux pouvoirs publics et dont une copie nous a été transmise, la situation actuelle de la Badr est qualifiée de “désastreuse suite à la nouvelle politique lancée par la direction générale et ses conséquences négatives sur l'ensemble de l'entreprise et la menace qu'elle constitue sur le maintien des postes d'emploi dans un environnement de plus en plus concurrentiel”. Le premier point porte sur la nécessité de reconsidérer la décision imposant à la Badr de se spécialiser dans l'agriculture exclusivement, “décision qui a pesé négativement sur le portefeuille et le rendement de la banque” et que les syndicalistes jugent incompatible, voire non conforme aux textes édictés par la loi sur la monnaie et le crédit. Le syndicat réclame aussi le paiement des créances détenues par la Badr sur le Trésor. Dans son second volet adressé cette fois à la direction générale de la banque, il est demandé “l'annulation immédiate de la décision du conseil d'administration portant sur la fermeture d'un certain nombre d'agences implantées un peu partout à travers le territoire national ainsi que l'abandon du projet consistant à fermer les groupes d'exploitation (succursales)”. Contestant l'actuelle gestion de la banque, le syndicat revendique la pleine activité bancaire sans restriction pour la banque, notamment en matière de commerce extremis, en ce sens où il demande la restitution des agréments qui ont été retirés à certaines agences de la Badr. Par ailleurs, le communiqué souligne que le syndicat national s'inquiète de la fuite des clients de la Badr suite aux instructions de la direction générale de cette institution à laquelle il est demandé d'œuvrer pour leur récupération. Enfin et après le point relatif à la demande de revalorisation du point indiciaire et celui portant sur la prime d'intéressement dite de treizième mois, la revendication finale est liée à la “nécessité d'assurer la protection des cadres et travailleurs de la banque au cours de l'exercice de leur mission professionnelle”. Il faut savoir que le ministre des Finances a été officiellement alerté, le 4 avril dernier, par les syndicalistes dans une lettre où ils évoquaient “le climat de suspicion, méfiance et délation” et où il est fait état de “mobilisation des cadres abandonnés par leur institution”. La correspondance fait refermer à plusieurs cadres de la Badr “auditionnés par les services de sécurité pour avoir restructuré des impayés conformément à la réglementation en vigueur…” Ces cadres (DG et DGA) ajoute la lettre envoyée au ministre “n'ont fait qu'assurer leurs prérogatives et ont agi en bonne foi et dans l'intérêt suprême de la banque”. Plus loin et afin de lever les ambiguïtés sur le métier du banquier, selon ce courrier, le syndicat appelle à un dialogue entre la communauté bancaire, le monde des affaires et les experts de divers institutions pour définir “les contours d'une approche plus clairvoyante et positive de l'assainissement des banques”. À signaler que cette lettre n'a pas eu d'écho, puisque le 24 du même mois, une autre réunion du bureau national sous la présidence d'Ali El-Ghoul, secrétaire général, s'est tenue pour reposer la situation de la banque et définir une position. Ce n'est que lundi dernier que le secrétaire général du ministère des Finances à finalement reçu une délégation du syndicat national de la Badr, accompagnée de M. Zouaoui, secrétaire général de la Fédération des finances. L'entrevue n'a pas donné les résultats escomptés, puisque, en définitive, deux jours après cette audience, le mouvement de grève est décidé dans une banque qui, selon les spécialistes, a “cessé d'être un établissement de crédit en acceptant de se reconvertir dans une mission quasi fiscale qui consiste a assurer exclusivement la fonction de recouvrement. Alors que les deux vont impérativement ensemble, l'une sans l'autre serait suicidaire pour la banque”. M. Zouaoui rappellera, indigné, que tous les crédits sont suspendus dans cette banque depuis l'arrivée du nouveau président-directeur général et “aucun comité de crédit ne s'est réuni depuis qu'il est là. La Badr est en danger, si elle continue sur cette voie”. De sources sûres, on apprendra que même les salaires des 7 000 travailleurs ont été difficilement assurés le mois passé, la trésorerie étant sérieusement en difficulté. Il a fallu une avance du Trésor public pour sauver le paiement des salaires. A. Wahid