La loi 05-07 relative aux hydrocarbures sera modifiée. Sonatrach récupère de fait une grande part des prérogatives que le nouveau cadre législatif et réglementaire lui avait enlevées. Quatorze mois après sa promulgation, et en l'absence de textes d'application, ainsi que de contrats signés sous ce cadre réglementaire, la loi n°05-07 relative aux hydrocarbures sera modifiée. L'ordonnance complétant et modifiant le texte préparé par Chakib Khelil a été examinée et approuvée, dimanche passé, en Conseil des ministres. “Il ne s'agit pas d'une remise en cause de la loi, ni d'un changement de fond, encore moins d'une étatisation, mais d'un réajustement nécessaire dû à la conjoncture et qui va dans le sens de la préservation de l'intérêt national”, précise une source proche du dossier. Les amendements proposés visent à adapter la nouvelle loi, selon le communiqué du conseil publié hier, “aux évolutions enregistrées au niveau du marché international de l'énergie et à renforcer la gestion de nos ressources afin de les préserver au bénéfice des générations futures”. Pour certains observateurs, cette décision constitue “un net recul” par rapport à la loi 05-07. Si l'esprit de “libéralisation et d'ouverture” du secteur consacré par la loi 05-07 est maintenu, notamment concernant la pétrochimie et la distribution, il n'en va pas de même avec l'une des dispositions ayant suscité le plus de controverse, lors de la présentation du texte et de son adoption. Celle introduisant un droit de préemption non obligatoire de 20 à 30% de la Sonatrach. La compagnie nationale prendra, selon le communiqué, “une plus large part dans l'accès aux contrats d'exploration, d'exploitation et de transport des hydrocarbures”. La société récupérera grâce à ces aménagements au minimum la part qui lui était dévolue par la loi 86-14 dans les contrats de partage de production signés avec ses partenaires étrangers. L'ancien cadre réglementaire faisait obligation à la Sonatrach de détenir 51% sur tous les contrats signés. Ce changement notable d'une des clauses les plus défendues par Chakib Khelil est dû, selon ses propres déclarations, à la conjoncture du marché pétrolier international. Il faut reconnaître qu'en l'absence de textes d'application ou de contrats signés sous l'égide de la loi 05-07, la compagnie nationale Sonatrach n'aura rien perdu de ses prérogatives, sur cet aspect contractuel bien précis, hormis sur papier. L'Algérie, qui tire 98% de sa fiscalité des revenus pétroliers, est revenue avec cette modification à un pragmatisme certain. “Il y a une conjoncture nouvelle où l'Algérie est soucieuse de préserver ses intérêts. Une importante plus-value est dégagée par les hydrocarbures. Il y va de l'intérêt national que cette plus-value ait des retombées internes”, précisent nos sources. Les aménagements fiscaux introduits par le même Conseil des ministres dans la loi 86-14 abondent dans le même sens. Ils ont été réalisés, selon le communiqué, afin de “tenir compte de l'évolution des prix sur le marché international des hydrocarbures”. Il ne s'agit ni plus ni moins d'un réajustement de la loi motivé par un impératif, selon nos sources, celui de “savoir, prévoir et définir à qui ira la ressource”. Le contexte a changé, ne cesse-t-on d'affirmer, pour expliquer ce réajustement inattendu de la loi relative aux hydrocarbures. “Au moment de la préparation de la loi, le contexte était que nous cherchions à attirer les investisseurs dans un marché pétrolier à bas prix. Aujourd'hui, la situation est différente. Il s'agit plus pour l'Algérie de valoriser ses ressources et de récupérer la plus-value dégagée”, explique-t-on. Le problème aujourd'hui est abordé d'un point de vue “qualitatif” et non quantitatif. Le président de la République a rappelé, selon le communiqué, “l'impérieuse nécessité pour la génération actuelle d'exploiter rationnellement les ressources de notre sous-sol en tenant compte à la fois des besoins induits par les efforts d'un développement croissant et durable et par les besoins nécessairement plus importants des générations futures”. Il y a, semble-t-il, un “souci certain” de préserver la ressource. “L'Algérie a décidé d'exploiter selon ses besoins. Il ne s'agit plus d'exploiter pour exploiter ni de surexploiter. Il y aura une rationalisation de l'exploitation des hydrocarbures qui s'inscrira obligatoirement dans la couverture des besoins stricts de l'économie nationale et des plans de développement”, relèvent nos sources. Les plus hautes autorités de l'Etat ferment d'une certaine manière les vannes des champs pétroliers en contrôlant l'exploration, l'exploitation et le transport des hydrocarbures. La conjoncture a obligé les pouvoirs publics à revoir leur copie avec une “formule intermédiaire” qui respecte l'esprit d'ouverture de la loi 05-07, mais qui intègre surtout le souci de préservation de l'intérêt national découlant de la loi 86-14. Celle-ci ayant consacré, à l'époque, l'arrivée des partenaires étrangers. “La loi n'est pas immuable. Ces modifications ouvrent autant de perspectives. Compte tenu de la conjoncture, le pays s'est ravisé et a élaboré une solution inscrite dans la durée”, indiquent des sources proches du dossier. L'on peut dire que cette fois-ci, le “consensus” sera garanti. D'autant que les amendements n'auront pas forcément d'impact négatif sur les partenaires étrangers. Ces derniers étant présents en Algérie avec, comme cadre contractuel, la loi 86-14 qui ne les dérangeait pas. Ils n'avaient pas encore bénéficié des dispositions de la loi 05-07. Le ministre de l'Energie et des Mines devrait s'exprimer samedi prochain à ce sujet. Samar Smati