Selon des sources concordantes, l'Arabie Saoudite financera une grande partie de cette acquisition, soit 12 sur 18 appareils appartenant à Dassault Aviation. Incontestablement, le grand contrat d'armes entre l'Algérie et la Russie a provoqué un vent de panique dans le royaume alaouite. Pour le Maroc, la consolidation du système de défense aérien algérien grâce à l'acquisition d'une flotte considérable (une soixantaine d'avions de combat : 37 de type Mig 29 et 28 de type Sukkoi 30) est une menace avérée à sa sécurité. Aspirant à instaurer un équilibre des forces au Maghreb, notre voisin de l'Ouest a tôt fait de réagir à la transaction avec Moscou (elle remonte au printemps 2006) en exprimant à son tour l'intention de renforcer son propre arsenal. Depuis l'été dernier, des sources médiatiques concordantes font écho de cette ambition. Dans sa livraison, la publication El-Kods El-Arabi du 7 décembre dernier a confirmé ce qui a tout l'air d'un secret de Polichinelle. Se fiant à l'hebdomadaire hexagonal Le Point, elle assure que Rabat est sur le point d'acquérir des avions Rafale de dernière génération auprès du constructeur Dassault. Les négociations portent sur l'achat de 18 appareils. Le gouvernement marocain propose d'en acheter une douzaine et d'en acquérir 6 autres en contrepartie de facilités financières. Selon Le Point et El-Qods, le montant du contrat est évalué à 2 milliards et demi d'euros. En novembre dernier, le quotidien Le Figaro (dont Dassault est le principal actionnaire) a annoncé que l'Arabie Saoudite financera une grande partie de la transaction. À travers cet apport, Riyad voudrait se faire pardonner une infidélité de taille. En ayant opté pour EADS, le rival de Dassault en Europe, dans l'achat de l'Eurofighter, le royaume wahhabite avait vexé les autorités françaises. La mission diplomatique du Quai d'Orsay aurait fait part de leur déception au palais royal qui a donné ordre de réparer l'affront. Le grand bénéficiaire est en définitive Rabat. Incapable de rivaliser avec l'Algérie en matière de ressources financières pour acheter des avions, il tire profit de “la sollicitude” saoudienne, autant qu'il peut. Conscient que cette générosité a des limites, Rabat n'affiche pas de prétentions démesurées. Dans l'impossibilité d'avoir le même nombre d'avions que l'Algérie, il tend à posséder des appareils de grande performance. Sur ce point, les Rafale ont plusieurs atouts. Ils sont à la fois défensifs et offensifs. Ils volent dans toutes les conditions climatiques, en basse et en haute altitudes. En outre, ils se distinguent par une grande autonomie en kérosène et sont difficilement repérables sur les radars. Si le Maroc confirme ses achats de Rafale, il deviendrait le premier client de Dassault pour ce type d'avion. Néanmoins, la Libye, très courtisée actuellement par l'industrie militaire française pourrait lui disputer sa position. Le régime d'Al-Kadhafi, très affaibli par l'embargo sur les armes (entre 1986 et 2004) a la détermination de reconstruire sa force militaire. Dassault et ses concurrents se proposent de l'aider monnayant des contrats alléchants. En France, une vive rumeur court sur la négociation d'un accord-cadre militaire visant à moderniser les armements libyens. Ce pacte serait le couronnement du processus de coopération dans le secteur de la défense renoué en 2005. Le quotidien arabe El-Hayat, édité à Londres, a évoqué, il y a quelque temps, la visite à Tripoli du responsable de la Délégation générale pour l'armement (DGA) en vue de la signature de contrats de livraison d'avions militaires et civils de marque Airbus. Si à Paris, l'attrait exercé par les arsenaux français sur le Maroc et la Libye est une source d'enchantement, en Espagne, cette course aux armes entre les pays du Maghreb suscite de l'inquiétude. El-Qods rend compte, à ce propos, des efforts vains de Madrid à renouer le fil du dialogue entre Alger et Rabat. Le gouvernement de Zapatero estimant que le contentieux du Sahara occidental entre les deux pays peut les conduire au pire. Samia Lokmane