Usant d'un ton très critique à l'égard de la politique israélienne vis-à-vis des Palestiniens, l'ex-patron de la Maison-Blanche a réaffirmé, vendredi, que l'Etat hébreu pratiquait à ses yeux l'apartheid. Après la publication de son ouvrage Palestine : Peace Not Apartheid (Palestine : la paix pas l'apartheid), Jimmy Carter a défrayé la chronique tout en s'attirant les foudres du lobby juif aux Etats-Unis. Ce livre, qui s'est révélé en fin de compte un véritable succès en librairie aux Etats-Unis, a provoqué une levée de boucliers des groupes pro-Israéliens contre le prix Nobel de la Paix 2002. Le livre décrit “l'abominable oppression et les persécutions dans les territoires palestiniens occupés, le rigide système de laissez-passer et la ségrégation stricte entre citoyens palestiniens et colons juifs en Cisjordanie”. Selon l'ancien président démocrate des Etats-Unis, “de bien des manières, c'est plus oppressant que quand les Noirs vivaient en Afrique du Sud au temps de l'apartheid”. Dans un article publié vendredi dans le quotidien Los Angeles Times, sous le titre “Parlons franchement d'Israël et de la Palestine”, il estime que “ce serait politiquement quasi suicidaire pour les membres du Congrès de défendre une position équilibrée entre Israël et la Palestine, de suggérer qu'Israël doit se conformer aux résolutions internationales et de parler de justice et de droits de l'homme pour les Palestiniens”. Jimmy Carter suit l'évolution du processus de paix israélo-palestinien depuis son mandat présidentiel de 1977 à 1980, durant lequel a été signé l'accord de paix entre Anouar As Sadate et Menahem Begin, à Camp David, qu'il avait négocié entre Israël et l'Egypte. Même s'il prend le soin d'imputer l'impasse dans laquelle est plongé le processus à toutes les parties concernées, il n'en demeure pas moins qu'il se montre très virulent à l'égard de l'Etat hébreu. Regrettant le fait que le débat soit inexistant ou étouffé sur la politique d'Israël dans les médias d'information américains qui demeurent “presque tous silencieux” sur la question, il n'a pas caché son souhait d'en susciter un qui permette de traiter sérieusement du sujet. “Le silence est quasi universel dès lors qu'il s'agit d'une possible critique des politiques que mène actuellement le gouvernement israélien”, a-t-il déclaré à la presse à Atlanta, dans l'Etat de Georgie. Il n'en fallait pas plus pour déclencher la colère des organisations juives qui ont lancé des pétitions dénonçant l'usage du mot “apartheid” pour décrire le traitement réservé aux Palestiniens par Israël. C'est un véritable procès en sorcellerie qui est mis en branle contre Jimmy Carter. Ainsi, le Centre Simon Wisenthal, l'un des principaux groupes mondiaux de défense des intérêts juifs, a lancé une pétition contre le père des accords de Camp David. Avec son livre, M. Carter est devenu “un porte-parole virtuel de la cause palestinienne”, affirme le Centre dans un communiqué. Ceci étant, il n'en est pas à sa première initiative en la matière. “J'attends toujours cette prise de position forte du Canada”, a-t-il déclaré de New York. “Le débat est pratiquement absent dans notre pays et, d'une certaine manière, il est aussi absent au Canada”, avait-il déclaré à la presse canadienne. K. ABDELKAMEL