Ce qui ne constituait jusque-là un secret pour personne, au sujet de l'arsenal nucléaire détenu par l'état hébreu, a été officialisé par un lapsus du Premier ministre israélien, dans des déclarations sur la menace que représenterait l'Iran s'il parvenait à se dotait d'une telle bombe. L'ambiguïté, maintenue par les autorités israéliennes depuis maintenant un demi-siècle sur leur armement atomique, a été levée lundi par Ehud Olmert dans des déclarations sur la menace que représente l'Iran pour son pays. “Nous n'avons jamais menacé un pays d'annihilation. L'Iran menace ouvertement, explicitement et publiquement de rayer Israël de la carte. Pouvez-vous dire qu'il s'agit du même niveau de menace lorsqu'ils (les Iraniens) aspirent à avoir des armes nucléaires, comme la France, les Américains, les Russes et Israël ? a-t-il affirmé à Berlin en réponse à une question de la chaîne allemande N24 Sat1. Voilà un aveu clair et net, qui ôte définitivement le voile sur le secret de Polichinelle entretenu jusque-là par les dirigeants de l'Etat hébreu, qui se sont succédé à sa tête depuis sa création en 1948. Pour justifier ses propos, il fera référence aux pays détenteurs de cette arme comme les Etats-Unis, la Russie, la France et la Grande-Bretagne, pour dire : “Ce sont là des pays civilisés qui ne menacent pas les fondations du monde, qui ne menacent pas d'autres pays d'user d'armes nucléaires pour les détruire.” Cet aveu de taille, il faut le reconnaître, a mis dans la gêne les officiels israéliens, notamment ceux partisans du maintient de l'ambiguïté sur la question. En dépit de cela, le porte-parole du chef du gouvernement israélien, Miri Eisin, a quelques instants plus tard nié que l'Etat hébreu détienne l'arme nucléaire en déclarant : “Israël ne sera pas le premier pays à introduire l'arme nucléaire dans la région.” Il prendra le soin de préciser que “la position d'Israël est inchangée sur ce point”. Voilà ce qu'on appelle nier l'évidence même, surtout que la semaine dernière, ce point avait été évoqué par le nouveau ministre américain de la Défense, Robert Gates. Le successeur de Donald Rumsfeld a avait mentionné Israël parmi les puissances nucléaires de la région. “L'Iran est entouré de puissances nucléaires, avec le Pakistan à l'est, la Russie au nord, Israël à l'ouest”, avait-il déclaré. En Israël, cet aveu a déclenché véritable une polémique. Le député du Likoud, Youval Steinitz, a appelé à la démission du Premier ministre pour “lapsus irresponsable qui remet en cause une politique datant de près d'un demi-siècle”. De son côté, Yossi Beilin, un député d'opposition de gauche a dénoncé “les propos stupéfiants d'Ehud Olmert qui ne font que renforcer les doutes sur ses capacités à rester Premier ministre”. Shimon Pérès, qui avait pourtant lui même révélé, en 2001 dans un documentaire diffusé par la télévision israélienne intitulé La bombe cachée, comment la France avait accepté en 1956 de doter Israël d'une “capacité nucléaire” dans le cadre des négociations secrètes entre les deux pays sur les préparatifs de l'opération de Suez contre l'Egypte, a réaffirmé jeudi dernier qu'Israël devait maintenir sa politique d'ambiguïté sur le nucléaire. Mordechaï Vanunu, l'ancien technicien nucléaire israélien qui avait levé le secret en 1986 en révélant dans le Sunday Times britannique les activités nucléaires militaires à Dimona, avant d'être condamné à 18 ans de prison, a indiqué qu'“il n'y a rien de nouveau dans les propos d'Olmert”. Il déclarera : “Mais il est bon qu'Israël ait décidé de mettre cela dans le domaine public. Le monde ne doit pas seulement parler de l'Iran mais aussi d'Israël comme d'une menace nucléaire, afin de dénucléariser le Proche-Orient et contribuer à la paix.” K. ABDELKAMEL