Le Premier ministre israélien Ehud Olmert ne pouvait plus cacher quoi que ce soit. Cela relève même de l'évidence. Il s'agit bien entendu de l'arsenal israélien de quelque nature qu'il soit, conventionnel ou autre. Et par autre, il faut entendre le nucléaire. On sait qu'Israël dispose de l'armement américain le plus sophistiqué. Comme on sait aussi qu'il possède l'arme nucléaire grâce aux pays occidentaux qui se prennent pour la conscience internationale, et déclarent veiller à la prolifération. On sait dans quelles conditions a été constitué l'arsenal nucléaire israélien, à la fin des années 1950. Ce que confirmera l'expert nucléaire israélien Vanunu qui a passé des années en prison pour avoir révélé l'existence de la centrale de Dimona en Israël. Pour beaucoup donc, Ehud Olmert a brisé un tabou en laissant publiquement entendre qu'Israël disposait de l'arme nucléaire, mais ce lapsus ne devrait pas lever l'ambiguïté maintenue par les dirigeants israéliens sur ce dossier depuis un demi-siècle. Israël est généralement considéré comme la seule puissance nucléaire au Proche-Orient en dépit des affirmations de ses dirigeants selon lesquelles il « ne sera pas le premier pays à introduire la bombe atomique dans la région ». Répondant à une question posée lundi sur une chaîne de télévision allemande à Berlin, M. Olmert avait déclaré que contrairement à l'Iran, Israël ne menace aucun pays « d'annihilation ». « C'est un véritable lapsus, ce n'était pas préparé. Et c'est embarrassant pour Israël, surtout sur un sujet pareil, aussi délicat », a confié un haut responsable gouvernemental sous le couvert de l'anonymat. Pourtant, selon le haut responsable gouvernemental, ce que la presse israélienne dans son ensemble qualifie de « lapsus nucléaire » et de « tempête nucléaire », ne remet pas en question la politique d'Israël sur cette question. « Cela ne change rien. La politique reste la même. Israël n'a jamais menacé qui que ce soit et on ne peut pas mettre sur le même plan Israël et l'Iran ou Israël, l'Inde et le Pakistan », a-t-il estimé en rappelant que ces deux derniers pays ont procédé à des essais nucléaires connus de tous. Israël, l'Inde et le Pakistan ne sont pas signataires du Traité de non-prolifération nucléaire entré en vigueur en 1970. Le ministre israélien des Infrastructures Benyamin Ben Eliezer a, pour sa part, recommandé hier de se taire sur la question du nucléaire. Selon lui, M. Olmert « n'a pas causé de tort » à Israël et à sa sécurité. « Je suis partisan de la politique d'ambiguïté et je ne considère pas les propos de M. Olmert comme une affirmation selon laquelle Israël a des armes nucléaires », a ajouté le ministre israélien. « Il n'y a rien de nouveau dans les propos d'Olmert », a pour sa part estimé Mordechaï Vanunu. « Mais il est bon qu'Israël ait décidé de mettre cela dans le domaine public. Le monde ne doit pas seulement parler de l'Iran mais aussi d'Israël comme d'une menace nucléaire, afin de dénucléariser le Proche-Orient et contribuer à la paix », a-t-il dit. Selon Yossi Melman, spécialiste du dossier nucléaire au quotidien Haaretz, en dépit des propos d'Olmert, « il n'y a pas de changement officiel de politique de la part des Etats-Unis ou d'Israël ». « La politique d'ambiguïté d'Israël a cessé de l'être car tous les dirigeants de la planète supposent qu'Israël détient l'arme nucléaire », a expliqué M. Melman. Les propos de M. Olmert ont provoqué une polémique en Israël. Le député du Likoud (opposition de droite), Youval Steinitz, a appelé à la démission du Premier ministre suite à ce « lapsus irresponsable qui remet en cause une politique datant de près d'un demi-siècle ». Le député d'opposition de gauche Yossi Beilin a dénoncé « les propos stupéfiants d'Ehud Olmert qui ne font que renforcer les doutes sur ses capacités à rester Premier ministre ». Les alliés d'Israël doivent se sentir véritablement mal à l'aise, eux qui constituaient le premier rempart contre ce qui est une vérité, même quand des satellites espions ont mis en évidence la relation très spéciale entre Israël et l'Afrique du temps de l'apartheid dans le domaine nucléaire très précisément, matérialisée par des essais du même type. Les choses devraient ainsi être abordées plus clairement.