Rafsandjani et Bush enfin d'accord ! L'Ancien président iranien voit dans l'exécution de Saddam “une justice de Dieu” et le président américain y voit “une étape importante” vers la démocratie en Irak. Le temps de savourer la nouvelle de la mise à mort de l'ancien maître de Bagdad, plus rien ne compte : ni le contexte ni la manière dont cette “justice divine”. Les musulmans semblent tout à fait acquis à leurs haines ordinaires. Et parmi ces antagonismes séculaires, la concurrence confessionnelle, d'abord ressuscitée par les internationales islamistes, vient de connaître un nouveau départ avec l'exécution de Saddam. À la délectation iranienne et au voyeurisme de certains médias et milieux chiites, répond la résolution vengeresse des sunnites : l'Armée islamique d'Irak appelle à “sauver Bagdad du pouvoir perse”. La rivalité entre panarabisme et panislamisme s'est progressivement conclue par la prépondérance générale du principe religieux. Les régimes baathistes arabes ont été affaiblis par la pression extérieure et la demande interne pour une plus grande ouverture politique. Réfractaires à l'idée démocratique, ils ont tous choisi de composer avec la force la mieux armée : l'islamisme. Ce faisant, ils ont cédé sur leur identité quasi laïque. Même Saddam, tenté par la conversion à la veille de l'invasion américaine, a ajouté au drapeau irakien l'inscription “Allahou Akbar”. La victoire de l'islamisme en Iran, pays musulman chiite et non arabe, vécue comme une révolution, et les coups de boutoirs des organisations fondamentalistes dans les pays arabes ont favorisé ce mouvement de conversion. La ligne de fracture identitaire entre Baath et islamisme laisse place à la fracture confessionnelle. La guerre Iran-Irak, partie sur la confrontation entre arabisme et islamisme, apparaît soudain comme inachevée maintenant que naît l'envie partagée d'un règlement interconfessionnel. Bagdad constitue désormais la nouvelle frontière et le nouveau front religieux. Le Moyen-Orient, traumatisé par les dégâts renouvelés du confessionnalisme politique au Liban, regarde avec angoisse monter ce nouveau péril. Et les régimes arabes font ce qu'ils ont toujours fait : semblant de n'avoir entendu ni Rafsandjani ni les sunnites de Tikrit et semblant de ne rien voir venir. Ils se désolent timidement que Saddam ait été exécuté le jour de l'Aïd el-Kébir, mais ne remarquent pas que ce fût juste la veille de l'Aïd pour les chiites de Bagdad. Les pouvoirs du Maghreb qui, pour des raisons d'enjeux politiques internes, ont enfourché, avec des nuances, dès leurs indépendances, l'arabisme triomphant, sont localement prémunis de ce schisme confessionnel. Mais, ils pourraient avoir à assumer, malgré la distance historique et géographique, leur position si la tension confessionnelle s'amplifie au Moyen-Orient. Dans cette zone, ce sont les évènements qui font, au quotidien, les solidarités et les regroupements. La nature des régimes, tous pressés par le besoin de survie immédiate les prive, individuellement et collectivement, de toute perspective. Cela donne du monde arabo-musulman l'image d'un ensemble politique à géométrie variable. M. H. [email protected]