La Confédération africaine de football s'est rendue coupable d'un classement des meilleurs footballeurs africains des cinquante dernières années. La prime à la nationalité accordée aux joueurs égyptiens et camerounais, qui se partagent les quatre premières places, est flagrante. Le classement a quelque chose de tendancieux, même s'il est attribué à des internautes. Au demeurant, pourquoi, la CAF, qui a tout le loisir — et la mission — d'évaluer le football continental se cache derrière un procédé virtuel pour se déresponsabiliser d'une opération à très fort effet médiatique ? La CAF aura à assumer le résultat d'un procédé qu'elle a supervisé, tant son effet s'avère aberrant et peut sembler orienté. En médiatisant un classement où le Camerounais Roger Milla apparaît comme le meilleur footballeur du demi-siècle, la CAF endosse une véritable imposture. Certes, en plus de jouir d'une aura morale dans son pays, Milla fut champion d'Afrique avec sa sélection nationale en plus. Mais il n'a point atteint l'éclat d'un Rachid Makhloufi, de son temps consacré “roi du contre-pied”, d'un Salif Keïta (Mali) ou d'un Larbi Ben Barek, “la perle noire” (Maroc). Si le palmarès devait faire loi, le titre africain reviendrait indéniablement à l'Algérien Rabah Madjer (deux fois mondialiste, champion d'Afrique des nations, Ballon d'or africain, champion d'Europe des clubs, champion du monde des clubs, plusieurs fois champion du Portugal avec Porto). Le 9e Africain de ce classement insolite a, de plus, déposé un geste qui est rentré dans le dictionnaire technique du football : la talonnade à la Madjer. Les deux Egyptiens qui complètent le podium, Mahmoud El-Khatib et Hossam Hassan, n'ont pas eu à briller en dehors de leur championnat et de la Coupe d'Afrique. Belloumi, qui a fait partie de l'équipe du monde, après la Coupe du monde 1982, n'est que 28e ! D'autres Africains, qui méritent le podium en sont écartés : Abédi Pelé, champion d'Europe avec l'Olympique de Marseille, n'est que 5e et Drogba, que certains considèrent comme le meilleur joueur du monde, n'est même pas dans les dix premiers. L'hégémonie de quelques nations sur la CAF semble avoir engendré la privatisation de l'organisation footballistique africaine au profit de quelques “puissances” sportives du continent. En ce qui nous concerne, la présence de représentants algériens dans les instances de la Confédération ne paraît pas suffire à défendre l'intérêt de notre football et de nos footballeurs. Est-il permis, en effet, d'assumer avec désinvolture la relégation de sportifs nationaux qui ont marqué l'histoire du football à l'échelle locale, continentale et même mondiale ? La passivité ou la complaisance, dans certains cas, s'apparentent à de la connivence. Tout le monde se souvient de leurs prouesses, sauf les dirigeants de la CAF et nos dirigeants. Il ne s'agit pas ici de proposer le classement le plus équitable qui doit être l'œuvre de spécialistes, mais l'on peut se demander si des logiques personnelles ou des raisons d'Etat ne continueraient pas à permettre un fonctionnement partial des instances sportives dans le tiers-monde. Heureusement, la véritable histoire du football a su retenir les réalisations des champions oubliés des salons fédéraux et confédéraux. M. H. [email protected]