Le GSPC sous sa nouvelle appellation d'affidé al-Qaïda au Maghreb islamique vient d'atteindre un nouveau palier dans la logique de l'horreur version salafiste. Celui des attentats kamikazes à la voiture piégée. Alger n'en avait plus connu depuis celui ayant visé le Commissariat central, au boulevard Amirouche, perpétré par le GIA le 30 janvier 1995. Après des années d'une certaine accalmie et d'une situation sécuritaire quasi maîtrisée, Alger a été touchée. Bilan humain lourd, synchronisation quasi parfaite, lieux stratégiques. Les attentats ayant visé, hier matin, le Palais du gouvernement et le commissariat de Bab-Ezzouar sont estampillés Groupe salafiste pour la prédication et le combat nouvelle version. Avec pour label, aujourd'hui affirmé dans la forme et le fond, la nébuleuse terroriste d'Oussama Ben Laden. D'ailleurs, la chaîne qatarie Al-Jazeera a annoncé dans l'un de ses bulletins d'information la revendication par le GSPC au nom d'al-Qaïda des attentats perpétrés à Alger. Depuis la reconnaissance par Aymen Al-Zawahiri, n°2 d'al-Qaïda, du statut d'affidé et de l'adoubement du GSPC comme membre à part entière de l'organisation, le groupe terroriste était à la recherche d'une action d'envergure dans le style particulier et portant la marque de fabrique du djihad salafiste. En touchant un des symboles de l'Etat et le centre du pouvoir algérien qu'est le Palais du gouvernement, le GSPC vient d'atteindre un double objectif macabre. Celui de prouver par le sang, si besoin est, son allégeance à l'organisation terroriste et démontrer ses capacités de nuisance en touchant l'emblème de l'Exécutif au sein même de la capitale, celle-ci ayant pour réputation d'être verrouillée par un maillage sécuritaire important. Le GSPC aura malheureusement réussi en accédant de fait à un nouveau palier. Celui de la stratégie et de la méthodologie d'al-Qaïda. En premier par le procédé utilisé. Les attentats kamikazes à la voiture piégée sont une caractéristique des terroristes d'al-Qaïda. Particulièrement utilisés en Irak. Les terroristes algériens qu'ils aient été du MIA, de l'AIS, du Fida, du GIA ou encore du GSPC, ancienne version, n'avaient pas dans leur stratégie le recours aux attentats suicide. Les kamikazes n'ayant jamais été une option envisageable hormis pour l'attentat qui a ciblé le Commissariat central au boulevard Amirouche, le 30 janvier 1995, perpétré par le GIA faisant plus de 40 morts et près de 300 blessés. Le GSPC, s'inscrivant dans la logique d'al-Qaïda, a même, dans un communiqué, publié les photos des trois kamikazes. En second par l'organisation nécessaire à de tels attentats. La synchronisation temporelle et matérielle entre les attentats démontre la coordination, mais écarte surtout la piste d'un acte isolé. La préparation ne pouvait être qu'importante et précise. Selon les premières indications, il s'agirait au niveau du Palais du gouvernement d'une voiture, de type Clio verte ou Peugeot 206 noire, bourrée d'explosifs. Les stigmates sur la façade soufflée du Palais du gouvernement et l'impact de l'explosion sur les immeubles alentours dans un rayon excédant les 300 m de diamètre prouvent la violence dégagée et démontrent l'importance de la charge explosive. Celle-ci serait, selon les premières indications, du TNT. Selon le même communiqué du GSPC, le groupe aurait utilisé près de 1 900 kg d'explosifs, dont 700 pour toucher le Palais du gouvernement. Atteindre de cette manière un tel lieu ne relève pas non plus de l'improvisation. L'on s'interroge d'ailleurs sur la composante réelle, humaine et matérielle, du groupe qui a perpétré les attentats d'hier ainsi que sur ses capacités. S'il est trop tôt pour connaître l'origine de l'explosif utilisé, et la manière usitée pour le faire entrer dans la capitale, l'on s'interroge toutefois sur le timing. A-t-il été acheminé hier jour de l'attentat ou bien avant ? Il est trop tôt pour connaître la réponse. Les services de sécurité étant à pied d'œuvre. Il en est de même pour celle relative à l'existence d'un laboratoire où les terroristes auraient préparé le matériel nécessaire. Ce dernier est-il à la périphérie ou à l'intérieur d'Alger ? Ces derniers mois, les services de sécurité soupçonnaient l'existence de laboratoires dans les maquis de Boumerdès. Ils n'ont eu de cesse de les traquer. Différentes pistes se dégagent. Particulièrement celle issue des filières irakiennes. Après l'ère des Afghans Algériens, une nouvelle génération fait craindre le pire, celle des Irakiens Algériens. Ceux qui s'étaient engagés via le GSPC dans les organisations irakiennes après la chute de Saddam Hussein et qui sont rentrés depuis en Algérie. Formés depuis 2003 à la guérilla urbaine, aux techniques d'al-Qaïda, au maniement des armes et des explosifs, ils sont aujourd'hui les plus redoutés. D'autant que nombre d'entre eux font partie d'une nouvelle génération terroriste non maîtrisée. Revenus en Algérie, ils ont commencé un travail en vue de recruter de nouveaux éléments à la fois pour les organisations irakiennes, mais également pour le GSPC. Près de 120 jeunes de 18 à 30 ans, impliqués à des degrés divers dans la guérilla irakienne, sont actuellement sous les verrous. D'autres font l'objet d'une surveillance ou d'une recherche importantes. Il y a lieu de reconnaître que la menace est montée crescendo. Le signal avait été donné durant l'été par les attentats à la bombe coordonnés par téléphones portables au niveau des plages Est de la capitale à Dergana et Réghaïa puis par les attentats aux voitures ou camions piégés au niveau des commissariats et brigades de gendarmerie de l'Algérois. Le GSPC n'a eu de cesse de s'attaquer avec plus ou moins de virulence aux populations, aux forces de l'ordre, aux institutions de l'Etat. S'inscrivant en porte-à-faux de la politique de la réconciliation nationale, les terroristes salafistes version algérienne ont rejeté en bloc la main tendue. L'allégeance à al-Qaïda ne devenait que plus précise d'autant que l'Algérie, seul pays réputé pour avoir militairement vaincu durant la décennie noire le terrorisme, est considéré comme un ennemi par les affiliés de Oussama Ben Laden. L'engagement d'Alger dans la lutte globale contre le terrorisme ainsi que la mise en valeur de son expérience acquise seule sur le terrain en a fait une cible de choix pour la nébuleuse terroriste et ses affidés. Les diplomates algériens assassinés en Irak par le groupe d'Al-Zarkaoui ont été les premiers sacrifiés par ceux-là mêmes qui s'attaquent au peuple et à l'Etat. L'Algérie en général et la capitale en particulier auront vu pire en termes d'horreur, il n'empêche aujourd'hui que c'est à une véritable déclaration de guerre que s'est livré le GSPC. Face à la politique prônée, la mémoire a fait défaut et la vigilance a manqué. Les morts, paix à leurs âmes, en ont malheureusement payé le prix. Samar Smati