Le Tunisien Neji Jouini, que nous avons rencontré à Amman en marge de la finale de la Ligue des champions arabes, s'est prêté avec courtoisie à nos questions et nous a brossé un tableau exhaustif de la situation de l'arbitrage et les raisons de son marasme. Aujourd'hui, vice-président de la commission d'arbitrage de l'UAFA, il est aussi membre de la commission d'arbitrage de la CAF et président de la commission d'arbitrage de la Fédération qatarie de football. Liberté : M. Jouini, quelle évaluation faites-vous du parcours des arbitres après la clôture de la 4e édition de la Ligue des champions arabe ? Neji Jouini : Il faut que les arbitres arabes, qui sont désignés pour diriger les matches de la compétition des clubs, fassent partie de l'élite de la Confédération asiatique de football et de la Confédération africaine de football. Donc, ce sont les meilleurs arbitres arabes des deux continents, c'est déjà un atout pour nous. Cela nous permet de garantir, en grande partie, la réussite de cette compétition. Avec des arbitres de ce niveau, nous sommes persuadés que notre compétition réussira sans problème. Je dirai, par ailleurs, que le bilan de cette 4e édition est satisfaisant. Je vous fait savoir aussi que nous organisons un stage tous les deux ans réunissant tous les arbitres au niveau de l'UAFA pour donner les consignes et les instructions nécessaires pour la réussite de cette compétition et essayer d'uniformiser les méthodes d'application des lois du jeu sur le terrain. Comme vous le savez, ce n'est pas chose facile parce que chaque arbitre a son système au niveau de son continent et de son pays. En tant qu'expert-arbitre, à quoi attribuez-vous, M. Neji Jouini, le net recul des arbitres nord-africains ces dernières années ? Dans l'arbitrage, il n'y a pas seulement la forme ou la bonne application des règles, il y a aussi le don, comme chez le footballeur. Actuellement, l'arbitrage est un moyen. On a un grand problème de formateurs, il faut le dire. On a aussi un problème d'uniformité dans la formation, un manque d'instructeurs de haut niveau. La responsabilité incombe incontestablement aux fédérations locales et aux responsables d'arbitres locaux. En Algérie, justement, M. Belaïd Lacarne a commencé cette année un cycle de formations pour formateurs et instructeurs des arbitres — auquel les Haïmoudi, Bennouza et autres Djaballah prennent part régulièrement — bien qu'il ne soit pas le président de la DTNA… Parce que l'on a parlé avec M. Belaïd Lacarne à plusieurs reprises. Depuis des années, on ne parle que de ça. Les problèmes aujourd'hui sont d'ordre organisationnel. Pourquoi on ne dispose pas aujourd'hui de bons instructeurs et formateurs ? Pourquoi il n'y a pas aussi une méthode uniforme au niveau de la formation des arbitres ? Si vous prenez des inspecteurs d'arbitres de chaque continent et vous leur demandez de superviser un même arbitre, à la fin du match, vous recevrez des rapports différents les uns des autres, parfois diamétralement opposés. Comment y remédier donc à tout cela ? Primo, il faut préparer pour l'avenir des instructeurs de haut niveau intellectuel, des bacheliers, quoi ! Des gens qui ont un niveau universitaire et pédagogique élevé bien évidemment. Quand bien même un arbitre fait 5 Coupes du monde, s'il n'a pas un niveau pédagogique élevé, il ne peut former des arbitres, c'est une vérité qu'il faut dire même si elle fait mal. Secundo, il faudrait les former pendant leur carrière d'arbitre comme l'a fait M. Lacarne avec M. Haïmoudi, par exemple. Quel regard portez-vous sur l'arbitrage, en particulier, et les arbitres algériens, en général ? Franchement, depuis des années, il n'y a pas eu de changement par rapport à la révolution qui s'est effectuée au niveau de l'arbitrage, il y a huit ou dix ans, sous la houlette de M. Lacarne. Vous savez, à part Bennouza, Haïmoudi, Benaïssa, Zekrini et Djaballah qui ont émergé, je ne connais pas d'autres noms. Peut-être que je me trompe, mais je n'ai pas eu écho d'autres arbitres algériens, ce sont toujours les mêmes, ceux que je viens de citer, qui sont sollicités. Il y a eu cette année deux jeunes arbitres, Khelifi et Bichari… C'est trop peu. Chaque année, il faudrait au moins que cinq arbitres émergent au niveau de la compétition algérienne. Deux arbitres tous les trois ou quatre ans, c'est très peu en Algérie qui dispose de grandes potentialités pour faire valoir ses talents. C'est un pays de football qui dispose d'une très bonne pépinière. Quels sont les arbitres algériens sur lesquels on peut compter à l'avenir ? Il y a trois arbitres, Bennouza, Haïmoudi et Benaïssa, qui sont les plus cotés. Haïmoudi a dirigé récemment la finale de la CAN cadets, il l'a eue grâce à son niveau et son excellent comportement. Bennouza et Benaïssa sont bien considérés au niveau de l'Union arabe et de la CAF. C'est peu, il faut encore d'autres arbitres pour renforcer le groupe d'élite en Algérie. Sur quels critères avez-vous retenu l'Egyptien Issam Abdelfettah pour diriger la finale retour de la Ligue des champions arabe ? Tout simplement, parce qu'il est le meilleur en ce moment, il a fait un parcours très satisfaisant. Je peux vous dire que si ce n'était pas un club algérien qui était qualifié à cette finale, notre choix aurait été porté sur Haïmoudi pour la diriger, on est tous convaincus de son très bon niveau. Entretien réalisé à Amman par : RACHID ABBAD