Ce qui est redouté depuis longtemps à Tizi Ouzou a fini malheureusement par se produire hier matin. Une bombe a explosé dans un lieu public et à une heure de grande affluence. C'était à l'entrée des bus de la gare routière de la ville de Tizi Ouzou, face au commissariat central et à la cour de justice, que la bombe placée dans un sac a explosé vers 10h de la matinée. Un policier en civil, qui n'était pas en fonction, selon des sources crédibles, a été tué sur le coup alors que 2 autres policiers, en faction, et 6 personnes de passage sur cet axe très fréquenté, ont été légèrement blessés dans l'explosion de cette bombe qui aurait été actionnée à distance. La déflagration a été entendue à des centaines de mètres à la ronde. À l'intérieur de la gare routière qui grouillait de monde à cette heure-ci, la place était à l'affolement. Les citoyens, en proie à la panique, couraient dans tous les sens, tentant de s'éloigner au maximum de ce lieu d'où s'est dégagée quelques secondes auparavant une grosse fumée noire. à l'extérieur aussi, le climat de panique n'a pas tardé à s'installer. Dans le centre-ville, tout semblait encore normal, si ce n'était ce soudain mouvement de va-et-vient des ambulances et des véhicules de la police qui traversaient l'artère principale à vive allure laissant derrière eux autant de regards curieux que d'interrogations. Mais, il aura suffi de quelques minutes pour que la nouvelle, truffée de rumeurs, fasse le tour de la ville. C'est alors que tout le monde prenait la direction de la gare routière où la police avait déjà quadrillée tout le périmètre où a eu lieu l'attentat. Alors que les agents de la Police scientifique prenaient des photos et ramassaient les débris de la bombe, les agents de l'ordre tentaient d'empêcher toute cette foule venue, pour certains, par curiosité, et pour d'autres, tenter de se renseigner sur l'identité des victimes, de s'approcher des lieux. “Laissez-moi passer ! Juste pour me renseigner, j'ai mon fils qui devait prendre le bus à 10h”, tentait d'expliquer un homme, visiblement très inquiet, à un policier qui le repoussait en vain. “Quittez les lieux ! Il se pourrait qu'il y ait une autre bombe”, réplique le policier, les traits tirés. Là, une autre rumeur circule : il se pourrait qu'il y ait une autre bombe ! Certains tentent de fuir les lieux pendant que d'autres insistaient pour se renseigner. Place alors à l'anarchie. Dans cette ambiance de panique, de psychose et de va-et-vient, il n'est pas facile de se frayer un chemin pour accéder au lieu de l'explosion. Mais une fois parvenu, il serait facile, à première vue, de deviner que la bombe n'est pas d'une forte charge. Le lieu de l'explosion est quasi intact. Aucun dégât matériel n'a été, à vrai dire, enregistré, ni le mur de clôture de la gare routière ni même la loge de surveillance située à peine à 3 mètres du lieu où le sac contenant l'engin explosif a été posé, n'ont été affectés. “On dirait qu'elle était conçue juste pour faire des dégâts humains”, dira un citoyen sur place. Les terroristes, auteurs de cet attentat, ont dû certainement remarquer que les policiers affectés à réguler la circulation au niveau du carrefour de la gare routière, qui fait face au commissariat central, ont pris l'habitude de fuir par moment le soleil tapant dans les périodes de grande chaleur pour se réfugier sous les arbres plantés tout le long du mur servant de clôture à la gare routière. Ce qui laisse supposer que la cible de cet acte était justement ces policiers qui ont fini par être atteints. Au CHU, les urgences “assiégées” Au CHU de Tizi Ouzou, dès l'arrivée des premières ambulances, le bloc des urgences a été complètement “assiégé” par des citoyens venus sous le choc se renseigner sur l'identité des victimes. La plupart repartent rassurés de n'avoir pas trouvé un membre de leur famille ou un proche parmi les victimes, mais inquiets par rapport à l'événement lui-même. L'inquiétude se voit sur tous les visages après cet attentat qui, en plus d'avoir les souvenirs de la décennie noire du terrorisme, fait désormais sentir que le terrorisme est encore présent, non seulement dans les maquis de la wilaya, mais aujourd'hui dans le cœur même de la ville de Tizi Ouzou qu'on croyait avoir été mise à l'abri depuis longtemps. À voir effectivement le déploiement des services de sécurité dans la ville de Tizi Ouzou et sa périphérie ces derniers mois, il serait impossible même d'imaginer ou de suspecter une quelconque présence terroriste à l'intérieur de la ville, mais il aura finalement suffi d'un relâchement et d'une baisse de vigilance, que tout le monde a d'ailleurs remarqués à Tizi Ouzou depuis le lendemain des élections législatives, pour que des groupes terroristes, qui guettent la moindre occasion pour affirmer leur présence, viennent perpétrer des coups à forte portée médiatique et surtout venger leurs éléments éliminés par les forces de sécurité ces dernières semaines dans la région, ils pénètrent dans la ville pour semer la terreur. Avec l'élimination d'une dizaine de terroristes en l'espace d'un mois, la réaction des groupes du GSPC devait être quelque peu prévisible sachant surtout lorsque I'on sait qu'il est de l'habitude des groupes armés de chercher toujours une manière pour prouver qu'ils ne sont pas affaiblis même après des coups durs portés à leur encontre par les services de sécurité mais curieusement, en dépit de cette équation, tout le dispositif spécial mis en place ces derniers temps a été soudainement levé. Même les contrôles sont devenus quasi rares y compris dans les institutions publiques et les places publiques telles que la gare routière où la vigilance n'est plus de mise ces derniers temps. Aujourd'hui, la population locale se rend à l'évidence que la ville de Tizi Ouzou n'est pas à l'abri d'une menace terroriste. Ainsi donc est relancée encore une fois la question de l'insécurité dans la région. Samir Leslous