La crainte de voir s'enflammer l'immense quartier des Planteurs, lorsque fût entamé, au début de ce mois de juillet, l'opération de relogement de plus de 1 000 familles, est passée. Les regards et l'attention se sont aussitôt tournés ailleurs vers d'autres situations tendues. Ainsi, en tournant le dos à ce quartier, c'est vite oublier les drames humains terribles qui ont été provoqués par cette opération, l'éclatement et l'errance de familles lesquelles aujourd'hui sont livrées à elles-mêmes. Mais le plus inimaginable est encore à venir avec ce cas de la vieille Aïcha Seddiki qui, depuis le passage des bulldozers, se retrouve à Diar Errahma entre la vie et la mort. Son état de santé ne cesse de se détériorer et les pronostics sont réservés sur ces capacités à se remettre de ce choc. Imaginez, c'est sur une civière qu'elle sera, non pas évacuée, mais expulsée de son logis à moitié en ruine puis, amenée à Diar Errahma de Messerghine comme un vulgaire paquet encombrant. Pour cette pauvre vieille femme, âgée de 87 ans et qui vivait auparavant avec ces deux fils attardés mentaux qui, malgré leur handicap, avaient pu se construire une vie sociale grâce à un emploi et grâce à la solidarité des habitants du quartier. c'est le désespoir ! Ils étaient en droit d'avoir un logement, c'était le plus légitime pour cette famille. d'ailleurs, khalti Aïcha, comme tout le monde l'appelle, avait sa carte de bénéficiaire mais l'administration a manqué dans cette affaire de montrer qu'elle était capable de trouver le juste et honnête comportement. Aujourd'hui, elle a tout perdu : sa maison, ses biens, mais plus que tout, sa dignité d'être humain. Auparavant, certes, elle ne vivait pas sur l'or, elle faisait partie de cette catégorie sociale dite démunie, fragile, néanmoins elle vivait, la tête haute, de façon autonome avec ces deux fils. Ces derniers qui ont été également emmenés à Diar Errahma doivent compter désormais sur la charité des gens pour avoir de quoi se changer, se laver, de même pour leur mère. Leur crainte, c'est qu'on les prenne pour des fous. ils nous l'ont répété à maintes reprises. Le plus choquant dans cette histoire, c'est qu'ils doivent obtenir une autorisation et un bon pour avoir le droit d'aller voir leur mère qui se trouve dans le pavillon des femmes, alors que celle-ci est mourante. À tour de rôle, ils ont juste quelques minutes pour la voir et s'enquérir de son état. Ils sont certes attardés mentaux mais ni fous, ni idiots ; tous les trois ont conscience que le temps est compté pour khalti Aïcha. Mourir dans la dignité, entourée de ses fils, (l'un d'eux est marié et a trois enfants adultes), sous un toit propre à eux, sans la charité publique et la froideur de l'administration, tel est le seul et dernier vœu de khalti Aïcha. F. BOUMEDIÈNE