Après vingt-deux jours d'absence, le président de la République reprend du service. Pour sa rentrée, la journée aura été chargée en évènements. Une manière de juguler l'état de psychose générale dans lequel les rumeurs sur son état de santé auront plongé l'Algérie. Abdelaziz Bouteflika est enfin apparu. Disparu des écrans de l'ENTV et de toute activité officielle depuis le 6 août dernier, date de la visite du président iranien Mahmoud Ahmadinejad, le chef de l'Etat a fait sa rentrée visuelle, hier, pour une succession d'évènements. Il s'est, en premier, rendu au domicile mortuaire du général-major Smaïn Lamari, patron du contre-espionnage, n°2 de la direction du renseignement et de la sécurité, décédé lundi, des suites d'une longue maladie. Ses condoléances présentées, Abdelaziz Bouteflika se rendra au chevet de l'imam Youssef Al-Qaradaoui admis vendredi à l'hôpital militaire de Aïn-Nâadja. Il rejoindra par la suite le siège de la présidence de la République pour une série d'audiences diplomatiques. Abdelaziz Bouteflika recevra en premier Andrew David Sordes Henderson, qui lui a remis ses lettres de créance l'accréditant en qualité d'ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire du Royaume-uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du nord en Algérie. Puis les ambassadeurs de l'Etat du Koweït, Shamlan Al-Roomi et de la République d'Italie, Giovan Battista Verderane. Ces derniers lui ont fait la visite d'adieu protocolaire au terme de leur mission en Algérie. La sortie de Abdelaziz Bouteflika intervient dans un contexte marqué par des interrogations incessantes, ces derniers jours, sur son état de santé et les raisons de son absence. S'appuyant sur des faits réels, la maladie du président et ses évacuations d'urgence à Paris en novembre 2005 et avril 2006, son quotidien allégé depuis près de deux ans et ses apparitions sporadiques dès que la rumeur s'amplifie et que l'ambiance devient délétère, les supputations auront tenu. Quinze jours de rumeur. Difficile de ne pas l'évoquer. Et difficile aussi pour les Algériens habitués à voir Abdelaziz Bouteflika concentrer le gros des activités institutionnelles et l'attention des masses médias de ne pas la prendre en considération. Face à un sujet tabou, à l'inefficacité de la communication officielle, les algériens auront développé un réflexe. Celui de guetter dans chaque apparition du chef de l'Etat les signes symptomatiques de bonne santé ou de maladie. Au point où son absence les plongent, eux les premiers, en plein désarroi à la limite de la névrose collective. D'autant que personne n'intervient avant que la crise n'atteigne son apogée. Alors que Abdelaziz Bouteflika a refait son apparition, d'autres personnalités politiques ne manqueront pas de réagir durant la journée écoulée. Le chef du gouvernement en personne est monté au créneau en organisant tardivement et en catastrophe une conférence de presse, hier, après que la vox populi eut donné le chef de l'Etat dans un état critique. Une réaction aux évènements qui voit Abdelaziz Belkhadem intervenir pour rassurer l'opinion publique et essayer d'enrayer les supputations au moment même où le président réapparaît. À la limite de l'anachronisme. Exit donc la rentrée sociale, la situation sanitaire et l'inflation des prix des produits de large consommation, Abdelaziz Belkhadem a réagi face aux rumeurs. “Le Président n'est pas en congé, il n'est pas en vacances et il n'est pas en convalescence”, martèlera le premier responsable de l'Exécutif. Il révèlera, d'ailleurs, que Abdelaziz Bouteflika est “chez lui”. Loin de s'arrêter là, le chef du gouvernement annonce que le chef de l'Etat “travaille” et “suit” les affaires du pays. “Soyez tranquille de ce côté-là, le Président va bien. Beaucoup de rumeurs sont basées sur de fausses informations. D'ailleurs, vous allez le voir aujourd'hui reprendre ses activités. Lorsque Bouteflika apparaît vous dites qu'il accapare les médias et lorsqu'il est absent, des rumeurs disent qu'il est malade. Ce n'est pas le cas”, assure Abdelaziz Belkhadem. Autre responsable, mêmes propos. Face aux syndicalistes de l'UGTA, Abdelmadjid Sidi-Saïd, le patron de la centrale syndicale, n'aura de cesse de s'insurger contre les rumeurs et d'appeler les présents à “ne pas y prêter attention”. Le SG de l'UGTA essayera même de tranquilliser sur la reprise de l'agenda présidentiel. “Je vous rassure, il se porte bien et reprendra normalement ses activités”, a affirmé Abdelmadjid Sidi-Saïd. Les Algériens se seront fait leur propre idée, de visu, au journal télévisé. Entre rumeurs et dénégations tardives, chacun ayant à cœur de tirer ses propres conclusions. Question d'habitude. Samar Smati