La plupart des 120 blessés transférés à l'étranger ont été pris en charge par des associations d'algériens résidant à l'étranger. 15 jeunes manifestants, qui souffrent toujours de graves blessures, ne voient pas encore le bout du tunnel. Le printemps a, depuis deux ans, cessé de porter ses couleurs habituelles en Kabylie. Le noir est devenu ce grand voile de tristesse dans lequel s'est enrobée cette région martyre qui porte toujours les traces indélébiles de la répression sanglante ayant frappé des milliers de jeunes qui ont crié leur ras-le-bol, revendiqué la justice sociale, la liberté et la démocratie. Seulement, pour l'avoir fait, beaucoup d'entre eux ont laissé leur vie ou se sont retrouvés handicapés, qui amputé d'une jambe, qui paralysé ou ayant perdu la vue. La Kabylie, dont la crise n'a pas encore trouvé de solution, donne l'impression d'être sortie d'une guerre. Le nombre de blessés recensés par la commission de solidarité des archs est d'environ 5 000. Près de 500 sont handicapés à vie. Beaucoup d'entre eux n'arrivent toujours pas à se faire soigner convenablement. Le problème qui se pose aujourd'hui au mouvement citoyen est la prise en charge à l'étranger des grands blessés. Selon le président de la commission, Issadi Rabah, il y a encore une quinzaine de cas pour lesquels on n'a pas encore obtenu des prises en charge, pourtant ils nécessitent tous un transfert à l'étranger. Le problème que rencontrent les responsables chargés de ce dossier est d'abord posé par les hôpitaux qui affirment que les blessés, un de Bouira, sept de Béjaïa et douze de Tizi Ouzou, peuvent être soignés en Algérie. Mais, depuis une année, on constate qu'il n'y a aucun résultat. C'est le cas du jeune Hamidi Rabah de Hasnaoua qui, atteint par une bombe lacrymogène, lors des évènements du printemps noir, souffre d'un traumatisme crânien. Après avoir subi deux interventions chirurgicales au CHU de Tizi Ouzou et passé 45 jours en service de réanimation, puis transféré dans une clinique privée à Alger, il ne s'est toujours pas remis de sa blessure. Il n'a pour seul soulagement que les antidépresseurs que ses médecins lui ont prescrits. Sahnoun Ramdhane de Draâ El-Mizan, 13 ans, est logé, lui aussi, à la même enseigne. Il n'arrive pas à être transféré en France où il devait suivre des séances de rééducation dans un centre spécialisé. Selon Issadi Rabah, les cliniques françaises refusent de l'admettre dans leurs services pour la simple raison que la prise en charge que les pouvoirs publics lui ont octroyée n'est pas suffisante pour une rééducation de six mois. Bechar Ali, un autre jeune émeutier, grièvement blessé de deux balles dans le visage, lors des évènements du printemps noir vit le même problème. Après avoir subi les premiers soins au CHU Mustapha à Alger, sa prise en charge tarde à venir pour une opération maxillo-faciale à l'étranger. Souvent, les raisons avancées par les autorités ne tiennent pas la route. Si elles soutiennent que les blessés peuvent être soignés en Algérie, elles ont montré, toutefois, leur inaptitude à le faire. Depuis le début des évènements à ce jour, 120 transferts ont été effectués. Si un petit nombre d'entre eux est pris en charge par la CNAS, la majorité a bénéficié du soutien de la solidarité manifestée par les Algériens résidant à l'étranger. Le président de la commission de solidarité des archs indique que certains blessés ont été pris en charge dans le cadre du jumelage entre l'APC de Larbaâ Nath-Irathen et la mairie de Saint-Denis. Ils sont neuf en tout à avoir bénéficié de cette forme d'aide. Selon lui, les Médecins du monde n'ont pas manqué, eux aussi, d'offrir leurs services pour soigner les grands blessés du Printemps noir. Par ailleurs, plusieurs victimes de la répression de 2001 en Kabylie ont été prises en charge par l'association des médecins kabyles et l'association des taxieurs kabyles de Paris. Issadi Rabah affirme, toutefois, que s'il n'y avait pas de problème de visa, dont l'obtention nécessite la présentation d'un dossier de prise en charge médicale, le mouvement citoyen se serait passé de l'aide des pouvoirs publics qui n'ont accepté de payer que les soins de 36 blessés. Selon le président de la commission de solidarité, la répression sanglante en Kabylie a fait environ 500 handicapés à vie. L'avenir de ces derniers demeure incertain tant les responsables de l'Etat n'ont pas encore trouvé une solution à la crise en répondant favorablement aux revendications inscrites dans la plate-forme d'El-Kseur, notamment celles concernant la question du statut de martyr. Cette question se pose aujourd'hui avec acuité d'autant plus qu'elle détermine l'attitude des blessés face aux indemnités proposées par l'Etat. Que peut procurer une pension de 8 000 dinars pour un jeune d'Ath Jennad qui a perdu complètement la vue ! Selon la même source, depuis le discours de Bouteflika, le 12 mars 2002, seules deux ou trois prises en charge ont été octroyées aux grands blessés du Printemps noir. Le président de la commission solidarité soulignera qu'un crime a été commis au nom de l'Etat algérien. Seule la justice est capable d'apporter une réparation morale et matérielle aux victimes. S. R.