C'est aujourd'hui que se fête le vingt-troisième anniversaire du “Printemps berbère”. Avril 1980 fut un moment de comble d'une quête identitaire constituante de l'idée nationale. Ni avant ni après l'Indépendance, elle n'avait auparavant frontalement défié l'entreprise de détournement de l'histoire qui chevauche, depuis son début, le projet algérien. Combat séculaire, l'identité servira de point d'amarrage à la revendication de modernité en même temps qu'elle se popularisait avec l'avancée des questions démocratiques : dans l'histoire du nationalisme algérien, les forces de progrès se sont naturellement retrouvées dans le camp de la revendication identitaire et, inversement, le combat identitaire portait en lui les aspirations libératrices. Il était donc inéluctable qu'à l'Indépendance la cause identitaire, longuement contrariée dans le mouvement national, conflue avec les aspirations émancipatrices qui sont à l'origine de la lutte de libération. Le 20 avril n'a fait que relancer un mouvement violemment étouffé pendant les premières années de l'Etat national. La brutalité de la répression a accentué son potentiel refondateur. Depuis le Printemps berbère, cette jonction instinctive de l'antique résistance identitaire et de la lutte démocratique moderne se confirme : droits de l'homme, laïcité, statut de la femme, d'un côté, et revendication culturelle, de l'autre, se confondent en un combat solidaire. Pour les forces engagées, cela constitue une même bataille pour une Algérie démocratique. Les disparités qui marquent la commémoration du printemps 2003 contrastent avec la communion qui marquait le plus souvent ce souvenir. C'est qu'en une décennie de multipartisme falsifié, les manipulations du pouvoir et l'agressivité des forces de régression ont su jeter le doute sur la pertinence des grandes causes nationales et semer la culture des mesquines appétences jusque dans les rangs des mouvements émancipateurs. Depuis avril 2001, le mouvement citoyen a repris l'essentiel des ambitions démocratiques, tout en se voulant forme d'action libérée de toute tutelle élitiste. Ce qui ne l'a pas empêché de créer, à son tour, en deux ans de pratique revendicative éprouvante, ses propres enjeux internes. Le reflux apparent des luttes populaires a été rendu possible par une connivence stratégique entre les résidus toxiques de l'ancien système et l'islamisme. Cette — disons-le — concorde n'a jamais été aussi concrètement et aussi clairement assumée par un régime algérien. Cependant, les querelles de sérail dont tout le monde entend les éclats renseignent sur la déconfiture du système. C'est même cette faillite permanente qui explique l'usage immodéré et frénétique de la manœuvre et de la répression. Ce qui rassure, c'est que l'Histoire suit donc son cours. Et le combat continue. M. H.