En l'absence des services forestiers, les forêts d'Aït Yahia Moussa sont cédées à des braconniers. La commune d'Aït Yahia Moussa, ex-Oued Ksari, située à équidistance entre deux grandes daïras (Draâ Ben Khedda et Draâ El Mizan), qui, elles, bénéficient de l'alimentation en gaz naturel, à l'instar de nombreuses autres localités de la wilaya de Tizi Ouzou, souffre du manque des commodités de cette énergie, puisqu'en la matière, aucun projet ne lui est inscrit jusqu'ici. Aussi, avec un début d'hiver qui s'annonce déjà rude, les habitants de la région, notamment ceux des villages jouxtant les massifs forestiers, sont d'ores et déjà sur le pied de guerre. Si certains pères de famille se limitent à juste approvisionner leurs foyers en bois de chauffage, d'autres gens recourent, sans scrupules, à l'abattage systématique de dizaines d'arbres. Du côté de la forêt de Boumahni, qui s'étend sur une vaste superficie du versant ouest du territoire de la commune d'Aït Yahia Moussa, chaque jour que Dieu fait l'ont ne cesse d'entendre les tronçonneuses sciant sapins, chênes-lièges et autres sous-bois. En l'absence des services forestiers pour des raisons sécuritaires, ces espaces sont cédés à des braconniers d'une autre espèce. “Nous assistons impuissants à une véritable destruction par ces personnes de ce qui a échappé, l'été passé, aux incendies dans nos forêts”, dira un citoyen d'Ath Houalhadj. Il faut dire que la commune d'Aït Yahia Moussa est l'une des municipalités où le taux de chômage est effarant, mais est-ce pour autant l'on a droit de décimer le reste de ces réserves forestières ? se demande-t-on dans la région. Chez les utilisateurs de ce combustible, l'on nous apprend que même à l'ère de nos grands-parents, on n'a jamais recouru à de tels procédés. “Le gaz butane revient trop cher, il est vrai, alors que le fuel reste intouchable pour nous. Donc, il ne nous reste que le bois pour nous chauffer et nous n'utilisons que le bois mort ramassé après le défrichage des oliviers généralement. Une chose est sûre, nous sommes contre les trabendistes de cette ressource”, expliquera un autre paysan de Tafoughalt. Dans certains villages, il nous a été donné de voir que lesdits braconniers ont déjà constitué de vastes hangars de réserves de bois, attendant que l'hiver s'installe “solidement” pour les revendre à des prix plus chers. “Une benne de bois revient au consommateur entre 5 000 et 6 000 DA”, nous a indiqué un de nos informateurs. Pour les pauvres montagnards, tous les moyens sont bons pour passer un hiver chaud. “Que peuvent-ils faire d'autre pour se chauffer, surtout quand la nature se déchaîne impitoyablement ? L'on ne se laissera pas mourir de froid après tout ?” s'est demandé un retraité potentiel client des revendeurs de bois, en rappelant que lors de l'hiver 2005, le gaz butane a été vendu à 1 000 DA la bouteille. En plus de la vente du bois, ces “commerçants” se livrent aussi à la location de pieds-droits utilisés dans les travaux de maçonnerie. Louer 100 supports pour une dalle revient à 10 000 DA pour une période de 45 jours. Qui, dans ces cas de figure, peut arrêter le massacre, même si ces massifs relèvent du domaine forestier de l'état ? Surveiller et protéger de tels espaces forestiers des mains destructrices n'est pas facile du tout, notamment depuis l'avènement du terrorisme. “Et dire que ces personnes s'aventurent dans ces forêts au péril de leur vie, tant on sait que le terrain est entièrement miné”, nous a confié une source proche des services forestiers. En attendant quelque intervention des services concernés, les défenseurs de la faune et de la flore restent impuissants devant les ronronnements quotidiens de dizaines de tronçonneuses abattant indifféremment des arbres, parfois centenaires. O. GHILÈs