Le président de la République, M. Abdelaziz Bouteflika, a prononcé mardi à Alger un toast à l'occasion du déjeuner qu'il a offert en l'honneur du président français, M. Nicolas Sarkozy, en visite d'Etat de trois jours en Algérie. En voici de larges extraits : “Monsieur le Président, Excellences, Mesdames et Messieurs, Je n'ai pas besoin de vous dire tout mon plaisir de vous accueillir en terre algérienne et de vous y souhaiter la plus chaleureuse des bienvenues, ainsi qu'à la délégation qui vous accompagne. À travers vous, nous voulons exprimer au peuple français notre amitié, comme nous voulons encore une fois adresser notre sincère reconnaissance à tous les Français qui nous ont apporté leur aide et leur solidarité aussi bien durant notre guerre de Libération que dans les moments difficiles que nous avons vécus. Vous savez bien, Monsieur le Président, l'amitié et l'estime que je vous porte, de même que l'intérêt que je ne cesse d'accorder au développement des relations entre nos deux pays. Ces relations se fondent sur une histoire commune qui nous a profondément marqués, aussi bien vous que nous et qui donne à nos rapports un caractère exceptionnel, car ils reposent sur un tissu humain qui les consolide en même temps qu'il les rend plus complexes. C'est à nous qu'il appartient d'en tirer le meilleur pour le plus grand bénéfice de nos peuples et plus particulièrement pour notre jeunesse qui, pour ne pas porter la responsabilité du passé, en subit néanmoins la pression et les conséquences, et se trouve en droit de prétendre à un avenir de paix, de solidarité et de prospérité différent du présent qu'elle a reçu en héritage. Je suis convaincu que cette visite nous permettra d'aborder avec franchise et courage les problèmes qui se posent dans nos rapports et que nous trouverons le moyen d'y porter remède dans un esprit d'ouverture et de volonté réciproque de compréhension et d'amitié. Il y a entre l'Algérie et la France un formidable potentiel de complémentarités scientifiques, technologiques et économiques qui nous invite d'autant mieux à l'ambition que nos relations, destinées à l'exemplarité, s'enracinent dans un terreau humain exceptionnel de compétences et d'affinités culturelles en quête d'épanouissement. C'est ainsi que nous avons la responsabilité d'encourager, de libérer, de promouvoir, d'accompagner les initiatives scientifiques, économiques et culturelles, par la rénovation, l'adaptation, la modernisation des cadres qui régissent nos relations, en facilitant les échanges et la circulation des hommes, des idées et des richesses. (...) Monsieur le Président, L'Algérie est aujourd'hui engagée dans un processus de modernisation économique culturelle et sociale considérable, à travers un volume d'investissement sans précédent, qui lui permettra de rejoindre à court terme la catégorie des économies émergentes. Partenaire majeur de l'Europe dans le secteur de l'énergie, elle est désormais appelée à jouer un rôle de premier plan dans les échanges économiques méditerranéens hors hydrocarbures. Les ambitions réalistes qu'elle nourrit pour elle-même, sont ouvertes à ceux de ses partenaires qui sont disposés à l'accompagner, et je pense en particulier aux entrepreneurs français qui se trouvent favorisés par rapport à ceux d'autres pays en raison de la proximité et des facilités que procure une longue pratique des échanges commerciaux et humains. Monsieur le Président, Je sais que vous êtes porteur du projet d'Union Méditerranéenne qui vous tient particulièrement à cœur et que vous défendez avec autant d'énergie que d'optimisme. Nous en avons déjà discuté et je ne vous cache pas que je ne suis pas resté insensible à votre enthousiasme et que, en Algérie, nous sommes disposés à contribuer à sa réalisation dans la mesure où nous aurons précisé ses contours et ses objectifs ainsi que la place qu'il prendra au côté des organismes qui sont déjà en place et qui rassemblent les pays des deux rives de la Méditerranée. (...) La plus importante de ces crises est évidemment celle du Moyen-Orient où il devient plus urgent que jamais de mettre fin à l'occupation israélienne des territoires arabes et de permettre au peuple palestinien de disposer en toute souveraineté d'un Etat viable et aux frontières reconnues. La tragédie du peuple palestinien dure depuis plus d'un demi-siècle et il serait vain d'imaginer une Méditerranée apaisée et fraternelle sans qu'il y soit mis fin de manière définitive. Je crois savoir à ce sujet que la France a toujours préconisé le respect du droit international et du droit de tous les peuples à l'autodétermination. Cela a été le cas à plusieurs occasions et en particulier en ce qui nous concerne directement puisque, après presque huit années d'une guerre de Libération coûteuse en vies humaines, le peuple algérien a accédé à l'indépendance en exerçant son droit à l'autodétermination. Cela explique sans doute notre entière solidarité avec tous les peuples sous domination étrangère et qui luttent pour leur droit à l'autodétermination. C'est en particulier le cas du peuple du Sahara occidental dont le droit à l'autodétermination est reconnu sur le plan international et devrait pouvoir être exercé librement et sans restrictions. (...) Monsieur le Président, Le problème de l'émigration clandestine vers l'Europe concerne de jeunes Africains qui fuient la misère dans leurs pays et croient trouver une vie meilleure au nord de la Méditerranée. Je n'ai pas besoin d'évoquer la gravité de ce drame humain et le désespoir qu'il traduit chez des jeunes qui osent affronter une mort presque certaine pour un mieux-être des plus problématiques. On peut comprendre la réaction des pays européens à cette immigration qui s'intensifie malgré les risques qu'elle présente. Mais cette réaction restera vaine si elle ne s'appuie que sur des mesures policières de renvoi dans des conditions plus ou moins acceptables des immigrants dans leurs pays d'origine. Il est certain qu'il s'agit d'un problème humain dont les dimensions prennent toujours plus d'ampleur et qu'il faudrait traiter en recherchant les racines réelles. Ce problème migratoire n'est pas nouveau, il se pose en fait dès l'origine de l'humanité où les groupes humains étaient à la recherche d'endroits leur offrant les possibilités de vivre, le mouvement migratoire se faisant toujours de régions pauvres vers les régions riches. Ce problème nécessite donc d'être traité d'abord dans un esprit de solidarité et en apportant toute l'aide nécessaire aux pays qui se débattent dans un sous-développement générateur de misère et de désespoir. (...) Les courants migratoires entre l'Algérie et la France ont connu la même évolution, en dehors de la période de colonisation où la main-d'œuvre algérienne était recherchée et appréciée en France, et pendant les guerres françaises, de Sedan à Dien-Bien-Phu où les Algériens ont généreusement versé leur sang. Ceci a conduit à la création en France d'une colonie algérienne assez importante qui constitue, en fait, un pont entre nos deux pays, à travers lequel se renforcent nos liens d'amitié et nos relations bilatérales. D'un autre côté, je suis certain que cette communauté, qui contribue à la prospérité de votre pays, est un élément de richesse de votre population tout en restant proche de ses origines. Je pense donc que toute mesure tendant à faciliter et à encourager les échanges humains entre nos pays relève d'une politique saine et avisée, car elle servirait les intérêts bien compris de l'Algérie et de la France. (...) Je vous remercie.”