Sur onze personnes qui constituent un réseau de trafic d'armes, six ont été écrouées, une 7e placée sous contrôle judiciaire pour des raisons de santé, une autre purge actuellement une peine d'emprisonnement pour une histoire de trafic de véhicules à Alger, et trois autres identifiées sont en fuite. Les faits remontent à la deuxième quinzaine de Ramadhan dernier quand des renseignements signalent les déplacements fréquents et louches de B. N. (39 ans) originaire d'Aïn El Melh, dans la daïra de Bou Saâda. Pour connaître les dessous de ces déplacements, des collaborateurs gagnent sa sympathie et découvrent, en effet, qu'il fait partie d'un réseau de trafiquants d'armes. Méfiant, B. N. fait la connaissance de B. A. (60 ans), que la population locale respecte pour son passé récent où il a combattu le terrorisme. Pour le jeune, son aîné lui sert en quelque sorte de laissez- passer au niveau des barrages de contrôle. Très futé, il ne faisait confiance à personne. D'ailleurs, l'agent de liaison des gendarmes a eu, malgré toutes les méthodes et ruses employées, beaucoup de difficultés à obtenir un rendez-vous avec lui dans le but de lui acheter des armes de poing. Accentuant sa méfiance, il fixe rendez-vous à ce dernier dans la localité d'El Madher, dans un endroit où il existe une dizaine de pistes afin de prendre la fuite au cas où ça sentirait le roussi. Sachant qu'il porte sur lui des armes, les gendarmes en civil montent un scénario qui ne manquera pas, par la suite, de donner un excellent résultat. L'un d'eux, à bord d'un camion, fait marche arrière faisant semblant d'avoir perdu le contrôle du véhicule et percute l'avant de la voiture de B. N., une Renault 20. Un constat du dommage causé est alors demandé par les gendarmes malgré le refus de B. N. qui souhaite pardonner plutôt que de s'attirer des ennuis. Entre-temps, des agents de l'escadron de sécurité routière, complices, arrivent sur les lieux et remarquent un attroupement. C'est le moment de demander les papiers et de fouiller le véhicule, histoire d'un contrôle de routine. C'est ainsi que B. N. est tombé dans la souricière et impliqué dans cette affaire, notamment avec la découverte d'un pistolet Beretta dans sa voiture. Grâce à l'arrestation de ce cerveau, les gendarmes réussissent à mettre la main sur B. A., à Hassi Bahbah (Djelfa), en possession d'un PA, N. M. et N. B. (père et fils) en possession d'un fusil de chasse et de munitions achetés chez B. N. De même qu'un de ses complices S. A. (40 ans) est arrêté au niveau de la station des taxis desservant la ligne Djelfa-Ghardaïa. En tout, six pistolets de type Beretta, un fusil de chasse et un lot important de cartouches pour des armes de poing et fusils de chasse ont été récupérés. Le trafic d'armes à M'sila, en prenant de l'ampleur ces derniers temps, place cette wilaya en tête à l'échelle nationale des wilayas les plus touchées par cette forme de crime organisé. Durant les onze premiers mois de l'année, pas moins de 43 affaires ont été traitées par le groupement de gendarmerie qui fonctionne sans section de recherches, même si grâce à la volonté de ses éléments, d'excellents résultats dans la lutte contre ce fléau sont à inscrire à son actif. Durant cette période, 21 pistolets automatiques et 38 fusils de chasse ont été récupérés. Le mois dernier a connu une opération spectaculaire au cours de laquelle un atelier de fabrication de bombes artisanales a été découvert à Souamara (20 km au sud-est de M'sila). Ces bombes étaient destinées à exploser le jour des élections locales du 29 novembre dernier. Cette opération a également permis la saisie de 230 munitions de guerre de différents calibres, 6 quintaux d'engrais azotés à 46% entrant dans la composition directe d'explosifs, 1 200 capsules, 12 kg de poudre noire, 10,5 kg de chevrotine, 4 pistolets paralysants, 1 600 cartouches de calibre 12 et 16 mm, 4 canons pour fusils de chasse et 1 poste à soudure avec différents accessoires. Sur 79 personnes arrêtées, 62 ont été écrouées. Notons que la région de M'sila constitue un carrefour de trafic d'armes en provenance de la frontière algéro-libyenne, où le prix d'une arme de poing et cédée à près de 30 000 DA en raison de la proximité des lieux de conflits en Afrique (Darfour, Tchad), alimentés à partir de la Libye par des trafiquants dont le but n'est autre que la déstabilisation de la région subsaharienne. À Djezzar, votre voiture peut être désossée en deux temps, trois mouvements “Si un jour, il vous arrivait de perdre votre véhicule, vous aurez la chance de trouver quelques-uns de ses accessoires à Djezzar”, raconte ironiquement Si Ahmed. Lui, c'est un adjudant qui connaît Djezzar et ses environs. Une daïra de Batna limitrophe à M'sila. Sa particularité : un tronçon de 13 km sur la RN28 qui relie les deux wilayas. De part et d'autre, c'est un cimetière de véhicules en tous genres. Des véhicules à moitié ou encore accidentés. Les marques et les types se disputent la place et, faute de place, on ne sait pour quelle autre raison, des carcasses garnissent carrément les toits et terrasses des villas laidement conçues. Il faut dire que beaucoup de ces constructions, dont le moindre coup de peinture constitue le cadet des soucis des propriétaires, font office de garages. Si Ahmed connaît son sujet et parle de ce coin comme un enfant du pays, alors qu'il est originaire de l'autre côté de l'Algérie profonde. “Djezzar, c'est la boucherie des véhicules volés”, dit-il. Ici, on met en pièces en quelques minutes n'importe quel type de véhicule. À vue d'œil, rien ne semble réellement justifier une telle effrayante déclaration même si, en effet, les trottoirs et alentours des garages sont littéralement occupés par la ferraille. Mais, semble-t-il, ce n'est que la façade, car tout se passe en arrière-plan. La commune de Djezzar s'est retirée à quelques kilomètres de la route nationale comme pour ne pas attirer le regard des curieux et autres indésirables. Avec Barika, à une poignée d'encablures, Djezzar a la sinistre réputation d'abriter un trafic de véhicules inimaginable. La commune possède énormément de pistes et de routes secondaires par où arrivent les véhicules volés avant de subir dans des ateliers clandestins une chirurgie de précision qui les rend invulnérables à toute détection. “Si par malheur, votre véhicule a disparu, dépêchez-vous de le retrouver très vite, sinon aucune chance, une fois engagé sur ces maudites pistes.” Si Ahmed appuie ses dires par un exemple concret vécu il y a huit mois lorsque l'ex-président d'APW a constaté la disparition de sa 406. Une véritable course-poursuite contre le voleur qui n'a pas eu la chance d'aller plus loin après que le véhicule a été freiné par un tas de sable au niveau de l'oued. “Pourquoi donc l'Etat ne fait-il rien pour fermer cet immense tas de ferraille ?”, interrogeons-nous ? L'adjudant ne veut pas aller plus loin. Il se contente de dire que c'est une question de volonté politique. Autrement dit, ce n'est pas chose facile. A. F.