L'heure a sonné pour établir un bilan sur l'opération de privatisation des hôtels. Une première dans les annales du paysage économique national et des affaires publiques, le collectif des travailleurs de l'hôtel de droit public Essalem, 4 étoiles, situé à Skikda, vient de décider d'ester en justice le holding Gestour en charge de la gestion du portefeuille du secteur touristique public. Cette décision, prise dimanche dernier à l'issue d'une AG des sections syndicales des hôtels de la chaîne EGT-Est, est accompagnée de la relance du dernier préavis de grève, gelée en avril dernier. Le collectif des travailleurs reproche, selon les termes du procès-verbal de l'assemblée, à Gestour et au ministère de l'Industrie et de la Promotion des investissements (MPII), de procéder à la cession des actifs de leur unité hôtelière au nouvel acquéreur, sans leur verser les indemnités de départ volontaire comme conditionné par l'accord du 28 avril 2007 signé entre Gestour, le syndicat et la direction de l'EGT-Est. En effet, selon nos sources syndicales, Gestour, sur la base de la procédure de validation réalisée par le MPII, vient d'instruire l'EGT-Est pour mettre en exécution la cession de l'hôtel Essalem. Selon la même source, “pour le MPII, l'EGT-Est doit céder l'hôtel dans les meilleurs délais, et le nouvel acquéreur est tenu de maintenir l'ensemble du personnel en attendant une hypothétique décision du CPE, une fois que le dossier lui sera soumis”. Contactés par nos soins, plusieurs cadres syndicaux de la chaîne se disent scandalisés par ce qu'ils considèrent une volte-face des pouvoirs publics. “Dans l'accord du 28 avril dernier, signé pour désamorcer un conflit collectif de travail, né une semaine auparavant, il est stipulé textuellement de relancer le dossier des indemnisations pour déterminer la source de financement, de préférence sur le produit de cession, et de lier la signature des contrats de cession aux règlements d'indemnisation des travailleurs concernés”, explique l'un d'eux. Contacté par nos soins, le P-DG de l'EGT a reconnu l'existence d'un tel accord et “le droit de chaque partie, dont les travailleurs, de défendre ses intérêts dans le respect de la réglementation”. “L'agent fiduciaire de l'Etat bailleur de fonds, en accord avec les pouvoirs publics, doit trouver une source de financement pour ces indemnisations autres que celles puisées dans les fonds propres de l'EGT. Cette dernière alternative privera des centaines d'employés des autres hôtels de leurs salaires”. En effet, selon certaines indiscrétions, le montant de ces indemnités dépasserait 9 milliards de centimes pour les trois hôtels en cession, Essalem, Chelia et Bougaroun. Toujours selon M. Lakehal Ayat, “l'actuel conflit tire sa source dans l'incohérence qui a caractérisé le traitement de certains dossiers ; quelque part on n'a pas anticipé une impasse qui allait survenir”. Sans aller dans le détail, il conclut en appelant “les travailleurs à continuer à discuter, tout en assumant leurs droits protégés par les textes en vigueur et à veiller, le cas échéant, sur le service minimum notamment pour le cas d'Essalem qui est une véritable institution de service public”. Financièrement parlant, parce que l'acquéreur s'est engagé à maintenir les effectifs pour une durée d'au moins 5 ans, il a bénéficié d'importants avantages pécuniaires dans le calcul du prix. Avantages accordés par le CPE afin de ne pas faire de la privatisation une opération de licenciement mais, pourquoi pas, une autre source de création de nouveaux emplois. Or, voilà qu'en cours de route, une fois le prix de cession arrêté, la convention de branches, qui règle les relations de travail, offre aux travailleurs des entreprises à privatiser la possibilité d'une indemnisation pour le départ volontaire. Comme pour compliquer davantage les choses, la plupart des employés sont pour cette option. “Qu'ils nous indemnisent, on n'a rien à faire de leurs hôtels !” lance l'un d'eux. Le courroux de ce dernier n'est pas fortuit. Il est le résultat de l'échec de l'opération de privatisation du premier hôtel de la chaîne, El-Hidab de Sétif en l'occurrence. Le nouvel acquéreur, a cessé, selon notre interlocuteur, de s'acquitter des annuités sans perdre ses droits. L'état dans lequel de trouve l'hôtel Orient, un autre établissement appartenant à l'EGT Annaba et cédé dans des conditions chaotiques, n'est pas, lui aussi, pour encourager les professionnels du secteur à continuer l'aventure avec les nouveaux propriétaires. Mourad KEZZAR