Si l'on se fie à quelques-unes des insinuations contenues dans la déclaration de Ali Benflis devant la presse nationale, mardi, le verdict est presque évident : l'Algérie s'achemine droit vers une crise politique inédite, via le blocage des institutions. L'ex-Chef de gouvernement a martelé plusieurs fois : “Le Président a décidé de me démettre de mes fonctions de Chef de gouvernement, tout en sachant que je suis le premier responsable de la formation politique qui détient, à l'heure actuelle, la majorité au sein de l'Assemblée populaire nationale.” Enoncée sur ce ton, cette petite phrase du patron du FLN sonne comme un avertissement, ou, plus encore, comme une menace à l'adresse du chef de l'Etat. Il lui reproche également de ne pas l'avoir consulté dans la désignation de son successeur. Benflis décoche, chemin faisant, une flèche en direction de Ouyahia qui “n'appartient pas à la formation politique qui détient la majorité au sein de l'Assemblée populaire nationale”. Une décision “inédite”, selon Benflis, et qu'il conteste par conséquent. Le Président est donc doublement menacé, puisque il s'est rendu coupable, d'après la déclaration de Benflis, d'une double infraction aux usages politiques. Doit-on donc prendre au sérieux la montée au créneau de Ali Benflis ? Peut-il aller véritablement au bout de sa logique, de sa menace de bloquer l'action du gouvernement Ouyahia ? Aussi inédite que fut sa réaction publique à son limogeage, l'ex-responsable de l'Exécutif ne risque cependant pas d'aller au charbon. C'est du moins ce qu'il suggère à la fin de sa déclaration. “Nonobstant son caractère inédit, le parti du FLN appréhendera cette situation avec retenue et esprit de responsabilité…” Benflis met là un peu d'eau dans son vin. Autrement dit, il n'ira, sans doute, pas jusqu'à bloquer le fonctionnement des institutions comme le suggèrent ses premières mises en garde. “Je voudrais réaffirmer ici que je suis et que je serai toujours soucieux de préserver le bon fonctionnement des institutions de l'Etat.” Or, cette issue est justement inévitable dans une démocratie saine, dans la mesure où la majorité FLN vient de subir une déroute politique avec le limogeage de son chef et, pis, elle devra adopter un programme issu d'un gouvernement présidé par un parti rival. Benflis ne compte donc pas aller aussi loin. Il ne veut pas bousculer les “règles” non écrites de la “démocratie algérienne”. Il se contente de réclamer un droit de regard sur la composante de la future équipe de Ouyahia et, si possible, un avis sur le programme à mettre en œuvre. Et quand on sait déjà que dans le cabinet de Ouyahia, siégeront des ministres FLN en force et que le programme ne sera autre que la suite de ce que Benflis n'a pas réalisé, il est loisible de conclure que le coup de gueule de Ali Benflis risque de n'être qu'une tempête dans un verre d'eau, en attendant une éventuelle explication en avril 2004 entre le Président et lui. Ali Benflis ne fait peut-être que reporter à plus tard ce duel. H. M.