“L'intrusion” des ambassadeurs du Royaume-Uni et des Etats-Unis d'Amérique en Algérie, Andrew Henderson, et Robert S. Ford, dans le débat autour de la révision constitutionnelle et un troisième mandat pour le président de la République peut s'accommoder d'une lecture bienveillante qui voudrait que ces deux diplomates de haut rang n'ont eu que le souci de connaître de très près les enjeux qui président aux changements dans le domaine politique en Algérie. N'est-ce pas que la convention de Vienne sur les relations diplomatiques, conclue le 18 avril 1961, leur accorde le droit “de s'informer par tous les moyens licites des conditions et de l'évolution des évènements dans l'Etat accréditaire et faire rapport à ce sujet au gouvernement de l'Etat accréditant”. Autant dire que les chefs des missions diplomatiques américain et anglais voulaient être en phase avec la vocation des missions dont ils ont été investis par leurs gouvernements respectifs. Reste donc à savoir où se termine l'exercice de la mission de s'informer des conditions et de l'évolution des évènements telles que définie par la convention de Vienne et où commence l'ingérence dans les affaires internes du pays hôte ? Cette même convention de Vienne précise dans l'un de ses articles que les diplomates s'ils jouissent de ce droit de s'informer ont également le devoir de ne pas s'immiscer dans les affaires intérieures de l'Etat accréditaire. Sommes-nous alors face à une différence de points de vue entre ces deux chancelleries et l'Etat algérien sur les limites que doit s'imposer une mission diplomatique ? Auquel cas, on peut donc conclure à un affreux malentendu qui va être vite dissipé. En tout cas, c'est ce que suggèrent les réactions d'Andrew Henderson et de Robert Ford quand les médias se sont emparés de cette affaire. L'ambassadeur du Royaume-Uni, niant avoir déclaré que le président Bouteflika devait se soucier de “l'Algérie et non pas de sa personne” au cours d'un entretien accordé à un quotidien national et repris par plusieurs journaux, précisera que la décision d'amender ou pas la Constitution revient “seulement au peuple algérien”. Plus entreprenant, l'ambassadeur des Etats-Unis s'est distingué pour ainsi dire d'une manière qui laisse supposer que ce dernier veut pousser la logique dans laquelle il inscrit ses missions diplomatiques à ses extrêmes limites. Robert Ford n'est pas à son coup d'essai. Rappelons à ce propos, le communiqué publié le 12 avril 2007, qui a annoncé que des attentats suicide “seront commis le jour même, l'un à la Grande-Poste et l'autre devant le siège de l'ENTV”. Dans la même veine, citons parmi les innombrables initiatives controversées de cet ambassadeur ses tentatives à prendre langue avec des partis politiques, des associations et des organisations syndicales (comme l'atteste le Cnes). Même si les ambassadeurs des Etats-Unis et du Royaume-Uni se sont défendus de toute ingérence dans les affaires internes de l'Algérie, relevons toutefois que les démentis qu'ils avaient opposés n'affranchissent pas pour autant les deux chancelleries de cette singularité qui a caractérisé leur activisme en rapport avec l'évolution politique de l'Algérie. Faut-il en convenir que les deux ambassadeurs avaient franchement pris des libertés avec les usages et les règles diplomatiques que se sont pourtant interdit leurs prédécesseurs à ce poste ? Connaissant la carte de visite de ces deux diplomates de haut rang, c'est certainement leur faire affront que de qualifier leur intrusion dans la politique interne du pays de hasardeuse ou encore procédant d'une maladresse ou d'une certaine inexpérience. Rien de tout cela bien sûr. Ceci pour dire que si ces deux diplomates se sont permis de pousser le bouchon aussi loin, c'est que quelque part, ils étaient assurés qu'ils pouvaient le faire avec le simple risque d'une protestation du bout des lèvres des autorités algériennes. Sinon comment expliquer que des diplomates chevronnés connaissant la frilosité algérienne sur la question de souveraineté prendraient le risque d'aller au seuil de l'incident diplomatique ? Si l'on vient à prendre en compte une telle explication, on ne peut donc échapper à certaines questions du genre, qu'est-ce qui a sous-tendu cette audace des chancelleries occidentales ? Ou encore qu'est-ce qui a fait croire aux deux ambassadeurs qu'ils pouvaient intervenir dans le débat politique interne de l'Algérie sans soulever d'objection de la part des autorités ? Zahir Benmostepha