En dépit d'un discours officiel en faveur de l'émancipation de la femme, sur le terrain les choses se passent autrement. La femme algérienne continue de subir le poids des mentalités rétrogrades, mais pas uniquement. La pression des conservateurs, les législations inadéquates ou mal appliquées sapent les efforts de l'intégration de la femme en tant qu'égale de l'homme dans la société. Le code de la famille amendé abolit le mariage par procuration. Pratique qui permettait l'organisation d'union forcée, dans les campagnes surtout, sans supprimer la polygamie qui reste, elle, soumise au consentement préalable de l'ancienne et de la future épouse. Ce texte n'accorde également à la femme qu'un droit précaire au divorce qui peut être remis en cause après des années de procédures et d'attente par la Cour suprême si le mari s'oppose à la séparation. Le droit au logement conjugal n'est assuré que durant la garde légale des enfants. Soit dix ans pour le garçon et 19 ans pour la fille. Quant aux droits d'héritage, ils restent inchangés. La femme n'a accès qu'a la moitié de ce que revient à l'homme. Comme il est regrettable que la loi sur la réconciliation nationale ne reconnaissent pas aux femmes violées par les terroristes le statut de victime. Privée du droit à une vie normale, elles sont souvent reniées par leurs proches et proie facile pour les réseaux de prostitution. Cette situation dramatique ne semble pas préoccuper les pouvoirs publics censés prendre en charge le traumatisme psychologique et l'exclusion sociale de ces femmes ayant survécu à la violence sexuelle et à la vie des maquis. S'agissant des mères et épouses des victimes du terrorisme, la compassion et la solidarité à leur égard ne sont manifestées que durant des occasions précises sans être suivies par une réhabilitation et une prise en charge complète et concrète. Selon des chiffres officiels, des milliers de femmes sont victimes de violences physiques, annuellement. La DGSN en a recensé 8 277 cas durant l'année qui vient de s'écouler. 27% des agressions ont été perpétrées en milieu familial. Ces chiffres alarmants ne sont que la face visible de l'iceberg. Seulement 7 d'entre-elles ont osé porter plainte. L'entourage qui justifie à chaque fois les violences qu'elles subissent, les lois qui les protègent pas suffisamment, le manque flagrant de structures pour leur prise en charge psychologique, sociale et juridique sont les raisons principales de leur enfermement sur elles-mêmes. Représentant plus de la moitié de la population, la participation de la femme à la vie publique, politique et économique du pays reste très faible. Le pays a été classé récemment au 120e rangs concernant la représentativité politique, bien loin beaucoup de pays arabes et du Maghreb. Le déséquilibre entre hommes et femmes est perceptible de manière significative dans les deux chambres du Parlement. L'Assemblée populaire est masculine à 96%. Au niveau des assemblées électives, les Algériennes demeurent aussi largement minoritaires. Les partis politiques en lice sont accusés de ne pas prendre sérieusement en compte le critère de l'égalité des sexes lors de l'élaboration des listes électorales. Il faut non seulement annuler le vote par procuration, rendre la loi électorale conforme à l'esprit de la convention sur l'élimination de toutes formes de discrimination à l'égard des femmes, mais aussi recourir à une régulation institutionnelle qui impose le système des quotas. Si donc 100 milliards de dollars du budget quinquennal sont consacrés à l'amélioration des conditions sociales de la famille algérienne, la représentativité réelle de la femme dans les pôles de décision reste confite dans des postes alibis sans aucun pourvoir d'opérer des changements. Les associations à caractère caritatif sont tolérées, mais les féministes n'ont guère bonne audience auprès des autorités. Leur mouvement né dans la rue contre le code de la famille et le terrorisme se heurte à des refus répétés de leur ouvrir des salles pour tenir leurs réunions et porter leur voix. Tout simplement parce qu'elles pensent que les changements opérés au niveau des lois ne sont pas l'aboutissement de leur combat mais restent des réformettes. Tant que perdure la pression des islamo-conservateurs sur les institutions, l'émancipation de la femme algérienne ne sera pas effective. Nissa Hammadi