Des centaines d'accidents dus au maniement de produits pyrotechniques se sont produits, partout dans le pays, dans la période du Mawlid Ennabaoui. Les bilans, pour partiels qu'ils sont, s'avèrent ahurissants. Et la placidité de l'autorité publique devant ce déferlement de violence est étrangement légitimée par le seul fait que son explosion coïncide avec une date religieuse et surtout par le fait qu'elle mobilise des foules d'excités de tous âges. La loi ne protège donc plus l'individu du moment qu'il est victime d'un désordre public massif ! À la vérité, ce genre de situations illustre une conception d'Etat de l'ordre public, conception qui ne pose pas la primauté de la loi sur la force, mais qui fonde la stabilité sur l'équilibre des forces physiques. Un pouvoir qui veut gagner toutes les catégories, y compris celles caractérisées par le comportement délinquant, sans en affronter aucune, devient lui aussi un acteur d'une immense jungle où règne la loi qui convient à ce type d'environnement. Il a tendance à s'accommoder du plus dangereux et à livrer le citoyen désarmé de capacité de nuisance à l'arbitraire du délinquant collectif. Cette stratégie a été d'abord appliquée comme traitement du terrorisme islamiste sous forme de réconciliation nationale. La popularité, réelle, de la démarche vient du fait qu'elle justifie la paresse politique et civique. Elle arrange donc la nonchalance citoyenne : il s'agit de ne rien faire et d'attendre que le hors-la-loi entende raison et se soumette, par prise de conscience spontanée, aux règles civiques de la société. Entre-temps, ces règles, d'ordre légal ou coutumier, sont progressivement perdues de vue et l'incivisme d'hier s'impose comme coutume d'aujourd'hui. Dans cette attitude “réconciliatrice”, l'Etat finit par se mettre de facto du côté du délinquant. À titre d'exemple, les bandes de larrons qui s'amusent à bombarder de pétards les passants le font y compris dans les rues attenantes aux commissariats et au niveau des barrages de police. Le policier, certainement convaincu de la légalité d'un telle occupation en période de Mawlid, continue, bonhomme, à vaquer au contrôle vigilant des automobilistes qui, eux, n'ont pas droit à l'erreur. La vigilance qu'appelle le risque d'attentats à la voiture piégée semble avoir justifié cette “spécialisation” des services de sécurité dans le seul contrôle de la seule circulation automobile. Le citoyen générique est victime du recul de la loi devant l'avancée de ces comportements délictueux. L'Etat recule devant la menace subversive et préfère ne sévir que contre le citoyen générique isolé. Le même individu peut impunément vendre des pétards sur la place publique et risque la rigueur de la loi s'il oublie d'attacher sa ceinture de sécurité. Dans la première situation, il est membre d'une communauté qui se présente en nombre, et donc en force, au marché ; dans la seconde, il n'est qu'un conducteur isolé. Et un automobiliste, ça ne fait pas d'émeutes, ce que peuvent faire ces immenses réseaux de contrebande ordinaire. La “réconciliation” est un état d'esprit qui consiste à composer avec le pire pour mieux s'occuper de mater le citoyen légaliste. M. H. musthammouche@yahoo.fr