Seul l'exploit d'une qualification pour les demi-finales de la Ligue des champions, à Anfield, contre Liverpool demain, peut sauver les joueurs d'Arsenal d'une fin de saison cauchemardesque, alors qu'ils l'ont longtemps rêvée glorieuse. En allant chercher le nul à l'émirates samedi sur le même score que celui ramené en Ligue des champions la semaine passée (1-1), Liverpool a, sans doute, ruiné les derniers espoirs des Gunners d'être champions. Ceux qui, pendant des semaines, quand Arsenal caracolait en tête, ont écouté son entraîneur Arsène Wenger présenter son équipe comme dépositaire du beau jeu en Angleterre, et s'en sont agacés, pourront reprendre à leur compte la saillie de l'Argentin César Luis Menotti après le sacre lors du Mondial-1978 : “Nous félicitons le Brésil pour sa victoire morale. Maintenant, nous espérons qu'ils vont nous féliciter pour notre victoire qui compte.” Wenger assure que rien n'est joué. Mais son attitude samedi suggérait l'inverse : colère, poings enfoncés dans la pelouse, invectives à ses joueurs, gesticulations diverses et variées, la sérénité ne transpire plus de son comportement. Il a d'ailleurs laissé percer son dépit et son aigreur devant la désillusion qui se profile : “Notre saison n'aura, de toute façon, pas été désastreuse puisque tout le monde s'attendait en début de saison à ce qu'on termine entre la 10e et la 12e place. Nous sommes allés au-delà des attentes.” Le Français sait que sa réputation ne sortira pas indemne d'une troisième saison vierge de titre, une période de disette qu'il n'avait connue qu'une fois auparavant. Chose impensable il y a quelques semaines, il commence à être critiqué sur les sites de supporters d'Arsenal, qui lui reprochent sa répugnance à dépenser pour des stars et se disent qu'acheter de jeunes joueurs dans le monde entier, en espérant qu'ils percent, est trop aléatoire pour faire moisson de trophées. Le club bâti par Wenger est un paradis pour actionnaires, mais est en voie de devenir un crève-cœur pour ses supporters. À sa décharge, la seule fois où Arsenal a versé les sommes auxquelles sont habituées les grands d'Europe (35 millions d'euros pour l'Espagnol Reyes), ce fut un échec. Les autres gros transferts du club londonien n'ont jamais excédé les 20 millions d'euros (19 pour Wiltord, 15 pour Hleb). Mais cette politique, dans laquelle Patrick Vieira avait perçu un manque d'ambition suffisant pour provoquer son départ, s'est encore vue cette saison. Depuis le départ de Thierry Henry, Arsenal ne dispose pas d'attaquants de niveau mondial, comme ses concurrents (Torres à Liverpool, Ronaldo et Rooney à Manchester, Drogba et Anelka à Chelsea). Un effectif beaucoup plus limité force Wenger à fonctionner avec moins de joueurs, dont les organismes souffrent, comme le montre l'épuisement de Cesc Fabregas ou d'Alex Hleb. D'où, sans doute, les deux victoires enregistrées seulement lors des onze derniers matches. En cas de nouvelle désillusion demain, le Français et ses patrons auront le choix : sortir le chéquier ou s'habituer à l'image de plaisants “losers” qui commence à leur coller à la peau en Angleterre.