La décision de Copenhague de fermer provisoirement son ambassade à Alger, au même titre que celle de Kaboul, a soulevé des interrogations dans les milieux diplomatiques. Des sources proches du dossier laissent entendre que l'Algérie a pris acte de cette décision et prendra le temps afin de réagir en conséquence. Après avoir écarté toute éventualité de fermeture de son ambassade à Alger, le gouvernement danois ose le pas. La décision a été annoncée avant-hier par le responsable du service administratif du ministère des Affaires étrangères du Danemark. Motif officiel : risque d'attentat à la suite de la reproduction des caricatures du Prophète Mohamed en février dernier dans la presse danoise. Les services du renseignement danois (PET) ont estimé, dans un rapport publié le 10 avril, que les menaces terroristes contre les intérêts danois au Danemark et à l'étranger s'étaient encore accrues après la reproduction des caricatures de Mohamed. Le ministère des Affaires étrangères avait alors recommandé à ses ressortissants d'éviter tout voyage non nécessaire vers Alger et de ne pas se rendre dans le reste du pays. Si l'atteinte à la personne sacrée du Prophète Mohamed (QLSSSL) avait été vigoureusement dénoncée par le gouvernement algérien en 2005, et si la mesure de procéder à la fermeture de son ambassade à Alger relève de la souveraineté de l'Etat danois, il n'en reste pas moins que la comparaison sournoisement établie avec la situation en Afghanistan, soumis à une présence des forces de l'OTA N, après l'intervention US de 2002, relève ni plus ni moins de la surenchère politicienne et d'une méconnaissance des réalités du pays. Alger n'est pas Kaboul. L'Algérie, qui a pris acte de cette décision, prendra le temps afin de réagir à ce qu'elle considère être une atteinte à son image. Les considérations sécuritaires évoquées par Copenhague ne peuvent, dans l'état actuel des choses, tenir la route. Et cela pour au moins deux raisons. La première étant directement liée aux conditions sécuritaires prévalant dans le pays et qui sont considérées par les spécialistes en la matière comme “correctes” même si les douloureux souvenirs des attentats kamikazes du 11 avril et du 11 décembre 2007 sont encore vivaces dans la mémoire collective des Algériens. Les services de sécurité, qui ont fait face à une nouvelle forme de terrorisme, en l'occurrence les attentats suicide importés d'Irak où l'occupation américaine a permis à l'internationale islamiste de constituer de nouveaux sanctuaires du terrorisme, sont arrivés à démanteler plusieurs réseaux et à décapiter à plusieurs reprises le GSPC devenu la branche d'Al-Qaïda au pays du Maghreb. Si la bataille contre les attentats suicide n'est pas encore définitivement gagnée, il serait judicieux de rappeler encore une fois que la lutte contre le terrorisme concerne le monde entier et que seule une coopération renforcée en la matière viendrait à bout de ce fléau dévastateur qui n'épargne aucun pays. Mais force est de constater que les réflexes pro-islamistes de l'Europe, hérités lors des années 1990 lorsqu'elle avait imposé un embargo à l'Algérie pour qu'elle capitule au diktat du GIA, ont cédé la place aujourd'hui à ce qui est désormais appelé “la carte du terrorisme et les intérêts économiques” afin de forcer la main au gouvernement algérien et prendre une part du gâteau qui se chiffre à plus de 150 milliards de dollars. Et si le risque zéro n'existe pas, il est aussi vrai qu'un attentat est toujours possible aussi bien en Algérie qu'ailleurs, même dans les pays où la densité des services de sécurité est beaucoup plus importante. La deuxième raison a trait au respect des procédures diplomatiques. Et sur ce plan bien précis, les diplomates danois ne sont pas à leur première “entorse” puisque le ministère algérien des Affaires étrangères avait déjà adressé une correspondance à toutes les représentations diplomatiques accréditées en Algérie, afin d'accompagner les diplomates désirant se déplacer à l'intérieur du pays. Cependant, cette consigne de sécurité n'a pas été respectée et le MAE a dû en août 2006 rappeler à l'ordre les diplomates en poste en Algérie, sur leurs déplacements au Sud sans escorte, et ce, à la suite d'un déplacement d'un diplomate danois dans le sud du pays par voie terrestre, ceci d'une part. D'autre part, il est difficile de comprendre la décision danoise dans un contexte où les autres ambassades multiplient les contacts avec les services compétents afin de renforcer leur sécurité. Mais voilà, il ne faut pas badiner avec la sécurité des étrangers, même si parfois ils enfreignent délibérément ces mêmes mesures en sortant des circuits balisés. L'excuse des représailles, après la nouvelle publication des caricatures, ne pourrait suffire à justifier une telle décision puisque cela équivaudrait à voir le Danemark fermer toutes ses ambassades dans les pays musulmans où les réactions les plus hostiles et les appels au boycott des produits made in Danemark ont émaillé les chroniques nationales. S. Oussad/S. Tamani