La décision du gouvernement danois de fermer quatre ambassades dans le courant 2010 a suscité de vives réactions de la part de personnalités danoises activant au sein de l'association d'amitié algéro-danoise. «La décision de fermeture [de l'ambassade du Danemark à Alger] est une bêtise. Le gouvernement danois a une visibilité à très courte durée sur les événements. Dans un an ou un an et demi, on va certainement installer un nouveau gouvernement qui rouvrira les deux ambassades», dénonce Maître Christian Harlang, éminent avocat, lors d'une conférence de presse animée hier au forum d'El Moudjahid. «J'ai essayé de travailler pour suspendre la décision. Mais on évoque des difficultés financières. Cela dit, l'Algérie a toujours son ambassade à Copenhague. Les relations entre les deux peuples sont encore là», tempère Son Excellence Herluf Hassen, ancien ambassadeur du Danemark en Algérie (1991-2000), tout en reconnaissant que l'extrême droite influe considérablement sur le gouvernement danois actuel. «J'espère que l'Algérie n'appliquera pas le principe de réciprocité et qu'elle gardera son ambassade à Copenhague ouverte», intervient Maître Christian Harlang, avocat à la Cour suprême de Copenhague et membre de l'association d'amitié algéro-danoise. En avril dernier, le Danemark a décidé de fermer ses ambassades en Algérie, en Jordanie, en Bosnie, au Nicaragua ainsi que son consulat général à Hong Kong en septembre 2010, pour des raisons d'économie et de coûts élevés de sécurité. «Des efforts particuliers pour garder les bonnes relations diplomatiques avec l'Algérie […] et les intérêts danois dans ce pays seront assurés par une autre représentation de la région ou par un ambassadeur itinérant basé à Copenhague», selon le ministère danois des Affaires étrangères. Le président de l'association, le docteur Mostapha Benyahia, rappelle que le Danemark n'en est pas à sa première opération de fermeture de son ambassade en Algérie puisque sa représentation diplomatique avait fermé en 1994 pour être transférée en Tunisie, puis rouverte en 1996 avant d'installer un bureau régional du Maghreb, (UMA sauf le Maroc), toujours à Alger, en 2000. Abordant le sujet de la montée de la xénophobie et la polémique qui a entouré les caricatures insultant le prophète de l'islam, les intervenants ont insisté sur l'erreur de certains médias qui ont toutefois, selon eux, fait leur mea-culpa. «Ils ont compris. D'ailleurs, il y a quelques titres qui ont présenté leurs excuses. Dernièrement, l'auteur des caricatures a fait l'objet d'une tentative d'agression à son domicile par un intégriste somalien. L'événement n'a pas eu tant d'échos. On a simplement parlé de fanatisme», déclare M. Benyahia. Revenant sur l'histoire des relations algéro-danoises, ce médecin orthopédiste résidant au Danemark depuis une vingtaine d'années affirme que ces relations remontent à plus de 1 400 ans (datées par des pièces de monnaie arabes disponibles au pays des Vikings). Il racontera, entre autres, l'histoire romanesque, mais réelle du Jeune Hask Olufs capturé puis vendu comme esclave au bey de Constantine à l'âge de 16 ans. De serviteur du bey, il deviendra son responsable de la trésorerie de 1727 à 1728, puis commandant de la garde du bey de 1728 à 1732. Converti à l'islam, il sera chef de la cavalerie de 1732 à 1735, date à laquelle il prouvera sa bravoure en remportant une victoire écrasante lors de la conquête de la Tunisie. Une réussite qui lui permettra de recouvrer la liberté. Riche et puissant, Olufs rentre au Danemark où il incitera le roi Christian VI à avoir des relations plus importantes avec l'Algérie. Le docteur Benyahia énumérera encore quelques noms d'intellectuels danois qui ont soutenu la cause algérienne contre l'occupation française, tels qu'Adolph Vilhem Dinesens engagé dans la Légion étrangère et qui a publié un livre De la légende de la colonie à la guerre tactique actuelle en 1840, sur l'Emir Abdelkader où l'auteur s'est opposé à la colonisation et à la France. Le livre a été réédité en France en 2002. «Nous [l'association] avons d'ailleurs pour ambition de faire inscrire le nom de l'Emir Abdelkader sur la liste des prix Nobel de la paix. On sait que ce prix n'est pas attribué à titre posthume, mais le nom de celui qui a sauvé plus de 1 400 chrétiens en Syrie et a toujours appelé à la paix mérite d'être honoré», déclare le Dr Benyahia. Dans un passé plus récent, le président de l'association citera le nom du journaliste danois Jorgen E. Petersen, déclaré frère du FLN par le gouvernement algérien en exil au Caire, la décoration du plusieurs personnalités danoises par le président algérien le 28 avril 2005 pour leur parti pris en faveur de l'Algérie comme Mme Beute Hensen, M Werner Andreassen… Le Dr Benyahia rappellera également qu'en 1964 le Danemark était l'un des premiers pays à avoir installé son ambassade en Algérie indépendante. S'agissant des relations actuelles, l'intervenant précise que l'Algérie est le troisième partenaire économique du Danemark sur le continent africain après l'Afrique du Sud et le Nigeria. «Il y a près de 70 grandes entreprises danoises installées en Algérie», informe-t-il. Sur l'activité de l'association de l'amitié algéro-danoise, son président ambitionne d'organiser une semaine culturelle algérienne à Copenhague. «Pour cela, nous voulons avoir des contacts avec les responsables locaux. Car l'opération nécessite beaucoup de moyens et de participants», explique-t-il. S'agissant de la communauté algérienne au Danemark, le Dr Benyahia affirme qu'«il y a près de 1 300 Algériens inscrits. C'est une mosaïque. Mais ils sont généralement bien intégrés dans la société danoise», conclut-il. S. A.