Quatorze ans après la décision de l'Algérie de fermer sa frontière terrestre avec le Maroc, en riposte aux accusations de terrorisme du royaume et à une chasse à l'Algérien déclenchée alors sur le territoire chérifien, la position de notre pays reste incomprise sur la scène internationale. D'autant plus incomprise que l'Algérie s'est faite le chantre de la libre circulation des personnes aussi bien dans le cadre du processus de Barcelone que dans le projet de l'Union pour la Méditerranée du président français Nicolas Sarkozy. Dernière illustration de ce hiatus diplomatique, la position de l'Espagne, qui demeure pourtant un partenaire important de l'Algérie. En tout cas, un partenaire avec lequel il y a moins de contentieux que la France. Dans un entretien au quotidien français le Monde, daté d'hier, le ministre espagnol des Affaires étrangères, Miguel Angel Moratinos, ne s'encombre pas de formules emberlificotées pour exprimer son point de vue avec le souhait d'y rallier la France. “Nous ne pouvons pas laisser sans rien faire la frontière fermée entre le Maroc et l'Algérie”, plaide-t-il. “Il faut aider à régler la question du Sahara occidental. Il faut avoir un message convaincant pour rompre cette espèce de fatalité historique, cette incompréhension entre deux pays voisins et fondamentaux pour le futur de la France et de l'Espagne”, dit-il. Ce plaidoyer de Madrid sonne comme une pression sur l'Algérie qui risque d'être réduite à la défensive faute de savoir plaider sa cause. Dans un récent forum à Paris centré sur le thème de la Méditerranée, notre pays s'est fait contrer sur le sujet. “Vous ne pouvez pas défendre la libre circulation entre le sud et le nord de la Méditerranée alors que vous gardez fermée la frontière avec votre voisin”, a-t-on répliqué à un diplomate algérien, pris de court par cet argument. Et à ce contradicteur d'invoquer la vieille Europe où les frontières ont sauté malgré les guerres et les millions de morts. Grand perdant de la fermeture de la frontière, Rabat semble défendre sa cause plus habilement en n'arrêtant pas de demander sa réouverture. Plusieurs fois d'ailleurs, les autorités marocaines ont ostensiblement engagé des travaux de réhabilitation des postes frontaliers pour contraindre l'Algérie à céder à son désir. Sur la scène internationale, Alger semble avoir du mal à faire comprendre sa volonté d'une “solution globale” dans laquelle elle veut intégrer la réouverture de la frontière. Une incompréhension rendue plus lancinante par la suppression du visa de circulation entre les deux pays et la réouverture de leur frontière aérienne. Et qui risque de s'aggraver avec la France dont le président ne cache pas sa préférence à la solution marocaine pour le Sahara occidental dont semble se rapprocher le gouvernement espagnol de gauche. Sur ce dossier, la droite populaire de José Maria Aznat avait marqué une certaine défiance à l'égard du Maroc qui n'est plus revendiquée par José Luis Zapatero. Au milieu de ce concert, Abdelatif Filali, ancien Premier ministre (1994/1998) et ancien ministre des Affaires étrangères du royaume chérifien, vient de publier à Paris un livre où il ne se prive pas d'accabler l'Algérie. Morceaux choisis d'une haine irrépressible : “Comment le Maroc peut-il vivre au sein d'un Maghreb arabe avec un chef d'Etat algérien exclusivement obsédé depuis que je le connais par la destruction du Maroc où il est né et où il a grandi ?” Ou encore : “Comment parler d'un Maghreb uni ? Je n'y crois plus et je ne crois pas que les responsables algériens puissent devenir des Maghrébins au sens noble.” Incroyable verdict quand on sait que M. Filali était aux commandes quand la police du royaume avait donné 48 heures aux Algériens pour quitter le Maroc en août 1994. Et lorsqu'on sait que le même Filali avait demandé le gel des institutions de l'UMA alors que le Maroc devait en prendre la présidence tournante ! Y. K.