Les journalistes algériens ne sont pas au bout de leurs peines. Voulant sans aucun doute marquer tel qu'il se doit la Journée mondiale de la liberté de la presse, le ministère de la Communication a organisé hier à l'hôtel Hilton une cérémonie à laquelle beaucoup de monde était convié. Ce qui devait être une réception en l'honneur des membres de la corporation s'est avéré un spectacle désolant où les victimes n'étaient autres que… les journalistes chargés de couvrir l'évènement. Tout cela par la faute d'une organisation défaillante qui a manqué de tact à l'égard des représentants des organes de presse. Comble d'un événement comme celui-là, censé être l'occasion de rendre hommage à une corporation qui continue contre vents et marées à se battre pour ses droits les plus élémentaires, les journalistes ont eu droit hier à un “traitement” un peu particulier. Ainsi, alors que les invités à cette cérémonie était accueillis tel qu'il se doit et accompagnés à leurs places respectives dans la grande salle prévue à cet effet, les journalistes, pourtant accrédités par le ministère de la Communication, ont, tout simplement été conviés à rester dans le hall attenant à la salle. Et même lorsque le Chef du gouvernement, M. Abdelaziz Belkhadem, qui a présidé cette cérémonie placée sous le haut patronage du président de la République, a pris place dans la tribune, les responsables chargés de l'organisation était décidés à ne pas laisser passer “ces journalistes qui…” — pour paraphraser le défunt Saïd Mekbel — devraient représenter un danger. Et lorsqu'ils ont été finalement admis à pénétrer dans la salle, le Chef du gouvernement avait déjà entamé son discours. De plus, il fallait vraiment chercher pour se trouver une petite place autour des tables prises d'assaut par les “convives”. Les journalistes n'avaient d'autre choix que de se retirer en signe de protestation à l'encontre de ce mépris affiché à leur égard ou de se vautrer dans un coin de la salle pour assurer leur mission d'informer. Un fait qui démontre encore une fois que malgré les efforts consentis par le gouvernement pour tenter d'améliorer un tant soit peu la situation, il demeure encore des esprits malintentionnés qui n'arrivent pas à se détacher de leur air méprisant à l'égard de la corporation. Le ministre de la Communication, M. Abderrachid Boukerzaza, qui, faut-il le souligner, n'a pas lésiné sur les moyens pour mettre en place les outils permettant d'améliorer la situation de la presse, devrait être profondément déçu par ce comportement irrespectueux qui va à l'encontre des initiatives prises, de part et d'autre, afin de réduire ce fossé qui existe entre la presse privée et les institutions. La Journée mondiale de la liberté de la presse, célébrée dans le monde le 3 mai, est une occasion propice au recueillement à la mémoire de tous ceux qui se sont battus pour que l'Algérie ait aujourd'hui une presse qui, avec ses qualités et ses tares, a le mérite d'exister et de résister. Le 3 mai, c'est aussi une opportunité de faire le point sur le chemin parcouru dans un dossier qui n'a pas toujours bénéficié de l'attention méritée, à savoir la situation socioéconomique des journalistes. Dans ce registre, la promulgation d'un décret exécutif définissant le régime spécifique des relations de travail des journalistes constitue une avancée notable dans ce combat, à mettre à l'actif du Syndicat national des journalistes (SNJ) et du ministère de la Communication. Ce texte, qui va procurer au journaliste cette protection juridique, qui a jusqu'à présent fait défaut, appelle d'autres outils à mettre en place pour parachever le processus. Le prochain chantier reste l'instauration de conventions collectives au sein des entreprises de presse. L'élaboration d'un tel document ne devrait pas demander beaucoup de temps puisque des moutures préparées par des spécialistes existent déjà au niveau du SNJ et du ministère de la Communication. Les différentes sections syndicales devraient donc se pencher très rapidement sur la finalisation de ces textes afin d'ouvrir le chemin aux négociations sur les différents volets de la convention collective, à savoir les salaires, l'organisation des stages, la formation, les congés, le licenciement, la promotion, les primes, l'assurance et l'assurance sociale spécifique quand il s'agit de missions risquées… c'est dire que, malgré tout, le chemin qui reste à parcourir pour “mettre à niveau” la presse algérienne, notamment privée, est encore long, vu que le conditions de travail demeurent très loin des standards internationaux. Hamid Saïdani