Le cortège nuptial à pied ou mahfal, comme on l'appelle communément à Batna, compte parmi les traditions perpétuées dans la région sud-est de cette wilaya, notamment à la ville de Bouzouina et ses environs. Destinée à raccompagner la mariée, à pied, jusqu'à sa nouvelle demeure, cette tradition d'antan avait inspiré plusieurs plasticiens de la région, tels les défunts Temine Abdou, Cherif Merzouki, Hussein Houara et autres Manoubi Cherif et Lekhal qui avaient reproduit sur leurs œuvres cet épisode récurrent à Bouzouina, notamment en été, saison des fêtes de mariage par excellence. Dans cette wilaya conservatrice, il n'y a guère de place pour les voitures dans les convois nuptiaux, les gens se déplacent à pied au rythme des youyous et des tirs de baroud mêlés au son du bendir (tambour traditionnel). Des bandes allègres d'enfants se bousculent et se chamaillent pour avoir “la kechekcha” (un mélange de fruits secs, de bonbons et de dattes) que les vielles dames (kefafa choisies par la mère de l'époux pour passer la nuit chez la mariée) leurs jettent de temps à autre égayant le décor. Dans le mahfal auquel participent les deux familles, les hommes prennent le devant et sont suivis des femmes vêtues de leurs plus belles toilettes et parées de leurs plus somptueux bijoux, entourant la mariée qui se distingue par un foulard vert qui lui couvre la tête, signe de fertilité et d'opulence. Ce cortège festif est généralement guidé par le père de l'époux, auquel tout le monde doit le respect. Les femmes agrémentent ce convoi traditionnel par des chants dont les paroles changent au gré des endroits traversés commençant par “assalat ala annabi...” (que le salut soit sur le Prophète) au moment ou elles sortent de la maison de la mariée et finissant par “halou al bab ya lahbab, laâroussa fi fam albab” (ouvrez, amis, la mariée et au seuil de la porte). C'est, en effet, sur ces paroles que la mariée entre dans sa nouvelle maison où sa belle mère l'accueille avec du beurre salé (d'hane). La mariée prend une quantité de ce d'hane et l'applique du bout des doigts sur la porte d'entrée, un rituel destiné, selon les croyances populaires de la région, à lui garantir la réussite dans sa nouvelle vie et lui permettre surtout de demeurer avec son mari jusqu'à ce que la mort les sépare. Nombreux sont ceux qui ont connu les fêtes d'antan et qui regrettent que ces pratiques ne soient plus de mise. Beaucoup sont nostalgiques du chaouch qui portait la mariée, ou encore de la kefafa qui régalait les présents de kechekcha, mais ce qui les attriste davantage c'est, qu'aujourd'hui, modernisme oblige, les cortèges festifs se transforment souvent en cortèges funèbres en raison des accidents qui se produisent du fait du comportement de certains “fêtards” inconscients et irresponsables. APS