Il est 20h en cette journée du mois de septembre 2008, deuxième semaine du mois de Ramadhan. La nuit tombe sur Illiltène, une paisible localité nichée au pied du Djurdjura, à quelque 70 km du chef-lieu de wilaya. Comme à l'accoutumée, en ce mois de jeûne, le chef-lieu communal fourmille de gens qui viennent pour la plupart passer la soirée dans les cafés et les cybercafés, seuls lieux d'évasion en l'absence d'animation culturelle dans la région. La commune ne dispose pas encore de centre culturel ou de maison de Jeunes. Les “saharat” s'improvisent. Dès la tombée de la nuit, les sept cafés du village commencent à recevoir leurs premiers clients ; certains venant prendre un café, un thé ou un kalb ellouz. D'autres attendent le début de leur jeu favori, le loto. Des chiffres sur des pions que l'animateur du jeu tire un à un d'un sac après les avoir suffisamment remués et déclarant à haute voix les numéros. Les joueurs s'efforcent de remplir les cases numérotées de leurs cartons correspondant aux chiffres annoncés. Le joueur arrivant le premier à remplir son carton crie “stop ! Elkina !” et, après vérification, il empoche le gain de la partie. “On ne joue pas pour gagner de l'argent, mais juste pour le plaisir et pour tuer le temps”, nous dit un jeune homme. Ici, on n'est pas dans une grande ville où les concerts de chaâbi et autres animations nocturnes accompagnent les soirées. À Illiltène, on attend un centre culturel depuis plus de cinq ans, mais ce dernier tarde à être concrétisé faute d'une prise en charge adéquate des pouvoirs publics. “Les soirées musicales en ce mois de Ramadhan, on les voit juste à la télévision, comme d'habitude”, indique Kamel à ce propos. À 22h30, les cafés regorgent encore de jeunes gens qui se pressent autour des jeux, dans un bruit de voix qui cèdent tout aussitôt au silence. Même constat dans les cybercafés du coin. Des groupes se constituent pour occuper leur temps devant la fenêtre mythologique du web, seul point nodal pour cette frange qui choisit de s'évader à travers le net. Dans ces localités reculées de l'Algérie profonde, l'inactivité accentue le marasme de cette jeunesse mal dans sa peau. Cela interpelle les autorités concernées, qui doivent songer à créer des lieux de loisir et de détente pour ces oubliés qui ne pensent qu'à quitter le pays pour des cieux plus cléments ! Les associations, seul cadre à pouvoir créer de l'activité, se trouvent pour la plupart dans l'expectative, faute de subventions concrètes ou en mal d'imagination. Minuit passée, les gens se dispersent dans un silence religieux. Au matin, une autre journée commence et rien de nouveau à l'horizon. “Aujourd'hui est une photocopie d'hier !” ironise un citoyen de cette localité du “bout du monde”. K. TIGHILT