En signant le 15 septembre un accord de gouvernement avec son opposant Morgan Tsvangirai, le président Mugabe évite la guerre civile, voire la justice, mais met fin à son règne sans partage de 28 ans sur le pays. L'accord de partage du pouvoir qu'il a signé, contraint par la communauté internationale et même son protecteur, Mbeki, le président de l'Afrique du Sud, va protéger le président zimbabwéen et son régime de toute poursuite pour la sanglante vague de terreur et d'assassinats qu'ils ont déchaînée contre les sympathisants de l'opposition et leurs leaders depuis la campagne des législatives en début de l'année. Mugabe reste président malgré son coup de force électoral. Lors du premier tour des présidentielles au mois de mars, Tsvangirai l'avait emporté, malgré l'exil de millions de sympathisants de l'opposition et l'intimidation que le parti au pouvoir, l'Union nationale africaine du Zimbabwe-Front patriotique (Zanu-PF), ne s'était pas privé d'exercer. Désormais, Mugabe, l'autocrate, va gouverner à la tête d'un gouvernement composé pour moitié d'hommes de l'opposition. Mais ce pacte historique arraché in extremis grâce aux pressions de l'Afrique du Sud et au silence de l'Union africaine renferme des éléments capables de faire voler en éclats les 28 années du règne de Mugabe et de restreindre le pouvoir du seul dirigeant que le pays n'ait jamais connu jusqu'à ce qu'une élection propre puisse être organisée. Dans les coulisses, Tsvangirai et les leaders du Mouvement pour le changement démocratique (MDC) parlent de cet accord comme d'un grand tournant. Certains estiment que le 15 septembre pourrait marquer la fin de la domination politique abusive et, parfois, violente de la Zanu-PF, ce que d'aucuns à Harare ont appelé la deuxième guerre d'indépendance et le commencement d'un combat tout aussi difficile pour prendre le contrôle du gouvernement. Les deux factions du MDC auront un ministre de plus que la Zanu-PF et le contrôle du Parlement, ce qui permettra au parti de mettre Mugabe en minorité et d'élaborer les politiques. Cela devrait permettre aussi au MDC de démanteler l'appareil de répression qui a contribué à maintenir Mugabe au pouvoir après que sa popularité s'est effondrée. Le gouvernement pourra abolir les lois qui interdisent les journaux, mettent les journalistes en prison et imposent des restrictions sévères à la liberté d'expression. Mais, ce scénario dépend de la répartition des ministères, âprement disputée par Mugabe et son chef de gouvernement. Le président devrait garder la main sur l'armée par le biais d'un ministre de la Défense issu de la Zanu-PF, ce qui convient au MDC dans la mesure où ce geste rassurera les généraux. D. B.