La Côte d'Ivoire est en train de sortir de la crise politique dans laquelle elle était plongée depuis novembre. Pour alimenter sa reprise économique, elle va devoir compter sur ses exportations principales –pétrole, cacao et café. Et l'ivoire ? La Côte d'Ivoire mérite-t-elle toujours son nom ? La Côte d'Ivoire est en train de sortir de la crise politique dans laquelle elle était plongée depuis novembre. Pour alimenter sa reprise économique, elle va devoir compter sur ses exportations principales –pétrole, cacao et café. Et l'ivoire ? La Côte d'Ivoire mérite-t-elle toujours son nom ? Pas vraiment. Il ne reste que 200 ou 300 éléphants (PDF) vivant en troupeaux isolés à travers le pays. Ils étaient au moins dix fois plus en 1980 mais la destruction de leur habitation et la vague de braconnage, responsable du massacre des populations d'éléphants à travers toute l'Afrique pendant les années 1980, les a poussés au bord de l'extinction. Le pachyderme en voie de disparition tient plus, dans ce sens, d'un problème moral et écologique que véritablement économique. La chasse à l'éléphant n'a jamais dépassé une petite fraction de l'économie intérieure un siècle durant, et l'interdiction internationale du commerce de l'ivoire, en 1989, ne s'est pas vraiment fait sentir sur le PIB. Malgré tout, la Côte d'Ivoire a continué de servir de plaque tournante au commerce illégal de l'ivoire jusqu'à ce que l'instabilité politique affaiblisse le marché, voici seulement quelques années. Les éléphants en liberté se font peut-être rares dans le pays, et le marché de l'ivoire a grandement souffert, mais on trouve toujours beaucoup de baguettes de contrebande, de sceaux ou de colliers à vendre. Les touristes (surtout les Asiatiques) achètent des babioles en ivoire sculptées par les artisans ivoiriens, qui ont la réputation d'être les meilleurs du marché. Personne ne sait précisément d'où ces artisans tirent leur matière première. L'ivoire vient peut-être de Tanzanie ou de Zambie, sources d'expéditions massives gérées par des syndicats du crime internationaux. Ou les Ivoiriens achètent-ils peut-être leur ivoire à de petits braconniers, disséminés à travers tout le continent. «Côte des esclaves» Il y a une raison pour laquelle les Français ont nommé cette région la Côte d'Ivoire*, quand ils y ont établi leurs premiers comptoirs commerciaux. S'il n'y avait aucun recensement d'éléphants dans les années 1600, des chercheurs contemporains estiment que le pays abritait des centaines de milliers de pachydermes au moment où les Européens débutèrent leur colonisation de l'Afrique de l'Ouest. Les explorateurs baptisèrent différentes parties de cette région en fonction des produits les plus abondants qu'ils y trouvaient. Ce que nous connaissons aujourd'hui sous le nom de Sierra Leone et de Liberia s'appelait la «côte de poivre». Le Ghana actuel était la «côte d'or». Quand le commerce des esclaves se développa, des régions de l'est furent appelées «côte des esclaves». Si les Européens associèrent dès le départ la Côte d'Ivoire avec les éléphants, les aventuriers mirent du temps avant de se fixer sur la dénomination moderne. Des cartes du XVIe et du XVIIe siècles en parlent parfois comme de la côte des dents* (en référence aux défenses des éléphants), ou, de manière plus anatomiquement précise, de la côte des défenses*. Mais malgré toutes ses défenses, il n'est pas dit que l'Afrique de l'Ouest comptait les populations d'éléphants les plus importantes du continent. Les animaux étaient aussi abondants en Afrique orientale, et le Grand Zimbabwe –un centre économique régional né bien avant la colonisation européenne– était un marché de l'ivoire considérable. L'extinction des éléphants d'Afrique de l'Ouest s'est faite progressivement, puis d'un coup. Entre 1900 et 1910, le prix de l'ivoire a été multiplié par plus de 4 (PDF), ce qui a conduit à un excès de chasse. L'ivoire de l'Afrique de l'Ouest s'est raréfiée à la fin de cette décennie, et a forcé les marchands à aller la chercher ailleurs sur le continent. Même si, pendant la Grande Guerre, les populations d'éléphants ont repris un peu de couleur dans une grande partie de l'Afrique, grâce à l'effondrement de la demande d'ivoire, les troupeaux de l'Afrique de l'Ouest étaient trop endommagés pour se remettre totalement. Les chasseurs ont exterminé les derniers éléphants des forêts ivoiriennes, dans les années 1960, et les populations n'ont cessé de diminuer depuis. B. P.