Les listes électorales provisoires en Côte d'Ivoire ne seront pas prêtes avant au moins un mois, ce qui rend presque impossible la tenue de l'élection présidentielle à la date prévue du 29 novembre, annoncent des responsables électoraux. Le président sortant Laurent Gbagbo doit affronter lors du scrutin ses grands rivaux Alassane Ouattara et Henri Konan Bedié mais les services électoraux doivent d'abord vérifier environ 2,7 millions de noms - sur les 6,3 millions de personnes en âge de voter - avant que les listes provisoires puissent être publiées. Une fois ces listes validées, il faudra encore distribuer les cartes d'électeurs. "J'ignore combien de temps cela prendra encore", a déclaré Yacouba Bamba, porte-parole de la commission électorale. Il a précisé que 800.000 noms avaient déjà été vérifiés, ce qui a permis de lever des incertitudes, par exemple sur l'âge ou le nom exact des personnes concernées. Pour un responsable de l'Institut national des statistiques (INS), qui aide à organiser la consultation, ces vérifications prendront encore "au moins un mois". La France, ancienne puissance coloniale, souhaiterait que le scrutin, régulièrement repoussé depuis quatre ans, se déroule comme prévu cette année, même si les listes électorales ne sont pas parfaites. S'il y a encore un délai de plusieurs mois, a averti le secrétaire d'Etat français à la Coopération Alain Joyandet, interrogé sur Radio France Internationale (RFI), la communauté internationale pourrait être amenée à s'interroger sur la poursuite de son aide à la Côte d'Ivoire. Ce genre de propos a été mal accueilli par la presse ivoirienne et même la star du reggae Alpha Blondy, favorable à Laurent Gbagbo, a demandé à Paris de ne pas s'ingérer dans la politique de son pays. Plusieurs milliers de partisans de Gbagbo, conduits par les "Jeunes Patriotes", ont acclamé vendredi le chef de l'Etat qui a attendu le dernier jour pour faire enregistrer sa candidature à la présidentielle. Le chef de l'Etat en a profité pour attaquer indirectement ses rivaux, dont Alassane Ouattara, originaire du nord, musulman, de la Côte d'Ivoire. "Je pense qu'il existe des Ivoiriens qui doivent leur existence politique à leurs liens avec l'étranger", a-t-il dit en reprenant à demi-mot une rhétorique nationaliste sur "l'ivoirité" qui a contribué, par le passé, à enflammer les esprits. "Mes liens sont d'abord et essentiellement avec ma patrie, la terre ivoirienne et son peuple", a-t-il lancé. Mardi, le représentant spécial des Nations unies en Côte d'Ivoire, Young-Jin Choi, a déclaré devant le Conseil de sécurité que les préparatifs de l'élection présidentielle accusaient de "graves retards". Cela fait quatre ans que la tenue de la présidentielle est régulièrement reportée. Les listes électorales auraient dû être publiées le 15 septembre, selon les plans établis en vue d'un scrutin fin novembre. La publication des listes est déterminante dans un processus électoral censé mettre fin à une crise de sept ans durant laquelle des rebelles ont pris le contrôle du Nord tandis que l'économie du pays stagnait. Les questions de la nationalité et du droit de vote sont devenues très sensibles en Côte d'Ivoire, premier exportateur mondial de cacao. Elles étaient invoquées par les ex-rebelles des Forces nouvelles (FN) durant la guerre qui les opposait en 2002-2003 au gouvernement du président Laurent Gbagbo.