Trois ans après son élection à la présidence de la République, Nicolas Sarkozy n'a plus la cote dans l'opinion publique. C'est notamment sur la question du pouvoir d'achat qu'il n'a pas convaincu. Du grain à moudre pour les syndicats lors du prochain sommet social, le 10 mai. 69% des Français jugent mauvais le bilan de Nicolas Sarkozy au bout de trois ans à la présidence de la République, selon un sondage BVA pour La Matinale de Canal+, diffusée jeudi 6 mai. Sur les 69% d'opinions négatives, 33% des sondés trouvent le bilan «très mauvais» et 36% «assez mauvais». Dans le détail, les Français sont les plus sévères sur le domaine du pouvoir d'achat, jugeant la politique menée par Nicolas Sarkozy depuis trois ans de «mauvaise» à 87%. Les sondés qualifient également cette politique de «mauvaise» en matière de réduction des inégalités (85%), de lutte contre le chômage (81%) ou de lutte contre l'insécurité (62%). Ce sondage va sans doute revigorer les syndicats, divisés et affaiblis par la mobilisation en demi-teinte du 1er mai, pour le prochain sommet social, le 10 mai à l'Elysée, qui aura justement pour thèmes l'emploi et le pouvoir d'achat. Hervé Morin fustige le style «brutal» de Nicolas Sarkozy La publication de ce sondage coïncide avec la parution d'un livre pamphlétaire de l'ancien ministre de la Défense, Hervé Morin, où il critique très durement le style de Nicolas Sarkozy. Dans ce livre intitulé Arrêtez de mépriser les Français, il s'indigne du fait que Sarkozy ait «construit une représentation du pouvoir à son image : brutale, outrée, parfois indécente». Il évoque «un président qui confond volontarisme et annonce permanente», adepte d'une «stratégie du derviche tourneur», qui «s'adresse à des catégories ou à des clientèles sans souci de cohérence globale». Commentant le débat sur la laïcité en France décidé par Sarkozy, il écrit que «cette instrumentalisation de la religion pour tenter de reconquérir un électorat est insupportable et détestable», en indiquant que ses trois années passées au gouvernement lui ont «souvent donné le tournis, et l'impression d'un grand gâchis». «C'est pourquoi le rétablissement de la sobriété à la tête de l'Etat est un sujet clé pour restaurer la confiance entre le pouvoir et les Français». Il attribue à François Fillon une critique amusée de Nicolas Sarkozy qui se vante de recevoir «un accueil formidable» chaque fois qu'il est dans la rue, le Premier ministre déclarant : «En fait, il parlait de son dernier déplacement en province, où seuls les militants UMP ont le droit d'être au pied des barrières et où les manifestants sont bloqués loin des caméras.» Un peu à la manière des «dictateurs» arabes que l'on fustige aujourd'hui. Cette situation de crise multidimensionnelle que traverse la France aujourd'hui semble être trop visible pour être occultée ou compensée par une agitation militaro-diplomatique dans la rive sud de la Méditerranée, où là encore l'esprit téméraire et belliqueux de Nicolas Sarkozy provoque toujours des grincements de dents, auprès même de ses amis. Insurrection à Marseille Critiquant la répression systématique et la politique du tout-sécuritaire que pratiquent les régimes arabes face aux mouvements de sédition, les autorités françaises ne savent pas faire autrement pour faire face à des situations beaucoup moins dangereuses pour la sécurité et la stabilité du pays. C'est ce qu'a décidé le ministre de l'Intérieur, Claude Guéant, en annonçant des renforts policiers à Marseille, après la mort d'un adolescent tué dans un cambriolage, pour faire face à ce qu'il qualifie de «règlements de compte et d'«impunité apparente de certains voyous» – reprenant le langage méprisant de Sarkozy – même si Guéant est bien connu pour avoir été le maître-à-penser de son président du temps où il était son secrétaire général à l'Elysée. Des renforts policiers impressionnants pour quadriller les quartiers sensibles, avec quelques 300 caméras de vidéosurveillance dans les rues marseillaises d'ici 2012 et une politique sociale à la limite de l'Indigénat, qui ne ferait qu'aggraver la ghettoïsation de la communauté issue de l'immigration, Nicolas Sarkozy cherche à rééditer le scénario qui lui avait fait gagner les élections de 2007, en rameutant une majeure partie de Français contre une minorité de «marginaux». Signe d'incapacité de l'Etat à juguler la violence urbaine, les Français veulent prendre des armes pour assurer leur auto-défense. La découverte d'explosifs et les tirs de kalachnikov ayant retenti à Marseille, jeudi après le passage du ministre, d'après BFM TV, ne peuvent occulter cette situation pré-insurrectionnelle qui secoue le Midi de la France. Larbi Balta